Pourquoi vote-t-on?
L'accord contient 58 pages et vise à faciliter les échanges commerciaux avec ce pays d'Asie du Sud-Est. Les fromages, les produits pharmaceutiques ou les montres suisses exportés en Indonésie ne seront, par exemple, plus soumis à des droits de douanes.
Défendu par le Conseil fédéral, le traité bénéficie également du soutien des milieux économiques, ainsi que du Parlement et d'une large coalition interpartis située essentiellement à droite.
L'accord est toutefois contesté par référendum avec, en ligne de mire, l'huile de palme. L'Indonésie en produit plus de la moitié de la quantité mondiale. Or, sa culture s'accompagne d'une destruction de la forêt tropicale, souligne le comité référendaire qui dénonce des risques pour la biodiversité et la mise en danger des populations locales. Les opposants s'inquiètent aussi pour l'agriculture suisse. Ils estiment que l’huile de palme bon marché menace la production nationale d’huile de colza et de tournesol.
A qui profite l'accord?
L'accord profite surtout aux exportateurs. Actuellement, ceux-ci font face à un marché indonésien très fermé: pour les produits industriels, par exemple, les droits de douane peuvent s'élever jusqu’à 31%. Sans compter les obstacles réglementaires.
Or, l’accord promet des échanges facilités avec la suppression de droits de douane pour 98% des exportations helvétiques. Quant à la Suisse, elle accorderait un libre accès à son marché pour les produits industriels indonésiens.
Avec plus de 260 millions d'habitants et une classe moyenne grandissante, l'Indonésie représente un marché avec un fort potentiel. Tous les secteurs en Suisse pourraient bénéficier du traité, à commencer par ceux qui exportent déjà en Indonésie: la pharma, les machines et les équipements. L’augmentation du pouvoir d’achat local est aussi porteuse de promesses pour l’horlogerie et le luxe.
Au-delà des exportations, la faîtière Economiesuisse estime que les entreprises helvétiques pourraient recourir davantage aux services fournis par les prestataires indonésiens, comme les centres d’appel.
Les partisans du traité font également valoir l’avantage concurrentiel que celui-ci procure à la Suisse, sachant que ni l’Union européenne, ni les Etats-Unis n’ont conclu d'accord avec l’Indonésie.
Pourquoi importe-t-on l'huile de palme?
Trente mille tonnes d'huile de palme importées chaque année en Suisse. C'est le chiffre souvent évoqué dans la campagne en vue de la votation du 7 mars. Cela représente une quantité similaire à celle de l'huile de colza produite sur sol helvétique, après la récolte de 2020, selon la Fédération des producteurs de céréales.
Ces 30'000 tonnes d'huile de palme constituent en fait une moyenne établie sur ces dernières années. Depuis 1990, les importations de ce produit ont beaucoup progressé, jusqu'à atteindre un pic en 2013. Or, depuis lors, les quantités ont progressivement baissé. Par ailleurs, notons que l'Indonésie ne représente qu'une petite part des importations helvétiques d'huile de palme. Les principaux fournisseurs de la Suisse sont la Malaisie, les Iles Salomon et le Cambodge, suivis par la Côte d'Ivoire et la Birmanie.
L'huile de palme est surtout utilisée par l'industrie agroalimentaire: chocolat, biscuits, plats préparés ou produits pour animaux. Elle est appréciée pour ses propriétés en termes de texture et de goût. On la retrouve aussi dans la cosmétique ou les biocarburants. Par ailleurs, son prix reste attractif, même si en Suisse elle est fortement taxée à la frontière.
Depuis des années, elle est toutefois sujet à polémique, notamment pour son rôle dans la déforestation. Certains industriels l'ont compris et ont opéré des changements. C'est le cas de l'entreprise Wander, par exemple, qui a remplacé l'huile de palme par de l'huile de colza suisse dans sa pâte à tartiner Ovomaltine et ses produits Caotina.
Quels critères écologiques?
On l'a dit, l'accord de libre-échange vise à faciliter le commerce entre les deux pays, en réduisant notamment les taxes à l'importation de certains produits. Pour l'huile de palme livrée en Suisse, la réduction serait comprise entre 20 et 40%. Sous condition. Car ce taux préférentiel ne s'appliquerait que s'il s'agit d'une huile certifiée. Le texte prévoit en effet des standards écologiques, économiques et sociaux.
Et pour bénéficier d'une réduction de taxe, l'huile de palme importée ne devra pas être liée à la déforestation. Cela implique une garantie de la traçabilité. Pour cela, quatre certifications de durabilité devraient être reconnues par la Suisse, dont la principale, la RSPO (la "Table ronde pour l'huile de palme durable"). Sise à Zurich, cette ONG a été créée en 2004 et vise une durabilité dans l'ensemble de la chaîne de production.
La RSPO mentionne des résultats concrets (réduction de l'eau utilisée, moins de pollution, meilleures conditions de travail), mais elle suscite aussi des critiques: l'Union internationale pour la conservation de la nature estimait en 2018 que ce système a du potentiel mais qu'il reste pour l'heure peu efficace.
Quoi qu'il en soit, le mécanisme devra, en théorie, être surveillé par la Confédération. Le Secrétariat à l'économie et l'Office fédéral de l'environnement devront examiner régulièrement ces systèmes de certificats.
Que signifierait un refus de l'accord?
Les opposants concentrent le tir sur l’huile de palme, mais certains d’entre eux sont aussi, plus généralement, des adversaires du libre-échange et de la mondialisation. Si l'accord échoue le 7 mars, il faudra donc voir s'il s'agit d'un non à l'huile de palme ou un rejet de principe. Dans le second cas, cela pourrait impacter toute la stratégie d’ouverture commerciale de la Suisse.
Concrètement, le prochain projet d'accord commercial concerne celui avec les pays du Mercosur. Les négociations ont formellement abouti, mais il reste encore plusieurs points à clarifier. Il faudra aussi s'attendre à un éventuel référendum lié aux craintes paysannes sur les importations de viande sud-américaine. Cela sur fond de débat sur la déforestation au Brésil.
Un refus à l'Indonésie doucherait également d'autres ambitions dans la région, soit avec la Malaisie et le Vietnam. Des discussions pourraient également reprendre avec la Thaïlande cette année.
Mentionnons également l'accord avec l’Inde que le Conseil fédéral négocie depuis quinze ans, ainsi que celui avec les Etats-Unis, véritable serpent de mer de la politique commerciale. Deux projets qui ne semblent pas près d’aboutir, quel que soit le sort de l’Indonésie.
hend