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Affaire Attac: Nestlé pourrait récidiver

L'espionnage érigé en véritable culture d'entreprise chez Nestlé.
Nestlé n'exclut pas d'espionner à nouveau en cas de menace.
Lors de la première audience consacrée à l'affaire Nestlé-Attac mercredi au Tribunal d'arrondissement de Lausanne, Nestlé a affirmé qu'elle n'hésiterait pas à espionner à nouveau si besoin était.

L'infiltration ciblée d'ONG n'appartient pas aux habitudes du
groupe Nestlé. Néanmoins, la multinationale n'exclut pas d'y avoir
à nouveau recours dans le futur en cas de nouvelles menaces, a
déclaré son directeur juridique Hans Peter Frick.

Révélée par l'émission de la Télévision Suisse Romande "
Temps Présent ", l'affaire de
l'infiltration d'Attac par un membre de Securitas mandaté par
Nestlé avait fait grand bruit.

Première audience

La proposition d'infiltrer Attac-Vaud émanait de Securitas dans
le cadre de son contrat général de surveillance pour Nestlé, a
ajouté Hans Peter Frick. Celui-ci s'exprimait à la sortie du
Tribunal d'arrondissement de Lausanne au terme d'une première
audience consacrée à des mesures prévisionnelles demandées par
Attac. Le mouvement altermondialiste avait requis la saisie des
documents produits en 2003 et 2004 par la taupe de Securitas. La
décision du juge est attendue d'ici quinze jours.



Hans Peter Frick a rappelé le contexte de violence prévalant à
l'époque, et notamment l'attaque subie par le siège veveysan de la
multinationale lors de la manifestation emmenée par José Bové en
mars 2003. Or celle-ci ne devait être que "l'apéro" de ce qui
allait suivre lors du sommet du G8 à Evian, en France, en juin de
la même année, a ajouté le directeur, citant les
altermondialistes.

L'affaire

L'émission "Temps présent" avait
dévoilé en juin une facette peu connue de la société de sécurité
Securitas: le renseignement. Nestlé a ainsi recouru à ce service
pour mieux connaître les plans de l'ONG altermondialiste Attac.
Tout a commencé par un coup de fil que reçoit l'organisation non
gouvernementale active contre la corruption: "Transparency
International". L'interlocuteur révélait que la multinationale
Nestlé a mandaté Securitas pour épier les agissements de
Attac.



Les journalistes Jean-Philippe Ceppi et Mauro Losa, auteurs du
reportage "Securitas, un privé qui vous surveille", se sont alors
intéressés à l'entreprise de sécurité. Cette dernière a confirmé
avoir un service d'investigation, qui connaît une activité soutenue
depuis le sommet du G8 à Evian. Concrètement, la section vaudoise
de Attac, qui préparait un livre sur Nestlé, a été infiltrée par
une employée de Securitas durant au moins une année. Cette dernière
a eu accès à l'ensemble de la documentation de l'ONG et a participé
aux séances et aux colloques organisés, sous un faux nom. A la
suite du reportage, Attac a déposé plainte contre X.



ats/hof

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Demande de mesures provisionnelles

L'avocat de Nestlé a fourni au Tribunal d'arrondissement de Lausanne les documents rédigés par la taupe de Securitas qui a infiltré Attac-Vaud entre septembre 2003 et juin 2004. Doutant de leur exhaustivité, Attac a maintenu sa demande de mesures provisionnelles.

Ces documents ne sont pas des fiches au sens de la loi sur la protection des données, a plaidé l'avocat de Nestlé, Christian Fischer. Et rien ne permet de dire que la jeune femme infiltrée ait commis une quelconque infraction pénale, en enregistrant des conversations par exemple. Des photos figurent certes dans les documents, mais elles ont été prises sur la voie publique.

Me Fischer s'est attaché à démontrer que l'on entre chez Attac comme dans un moulin, d'un simple clic de souris. En outre, chacun peut participer aux groupes de travail. Les membres d'Attac n'ont d'ailleurs pas contesté une certaine naïveté dans leur fonctionnement basé sur la confiance et l'ouverture.

Dès lors, l'avocat de la multinationale a contesté la demande de mesures provisionnelles, aucune atteinte illicite "imminente ou actuelle" à la sphère privée des lésés n'étant à craindre.

Le défenseur de Securitas Gilles Robert-Nicoud a également mis en doute "la confidentialité des données recueillies" et leur actualité. La taupe devenue membre d'Attac "via une formule online n'a jamais eu à montrer patte blanche", a-t-il souligné.

L'avocat d'Attac Jean-Michel Dolivo ne l'a pas entendu de cette oreille. Pour lui, les maître-mots dans cette affaire sont «dissimulation» et "amnésie". Les documents sont de "véritables fiches", fournissant des informations sur les personnes, leur apparence physique, chevelure, taille, couleur de peau, âge, ainsi que sur leurs idées politiques et leurs adresses e-mails.

Selon Me Dolivo, qui réclame au civil 27'000 francs de dommages et intérêts au total pour les neuf lésés, Nestlé n'a pas fourni l'entièreté des documents et joue sur les mots en prétendant qu'il ne s'agit pas de fichiers. Enfin, ces documents sont de nature à mettre en danger certains membres d'Attac oeuvrant dans des pays comme la Colombie ou le Brésil. Il a donc maintenu sa requête.