Au terme de trois heures de plaidoirie, Eric Cottier a déclaré
que l'accusé avait commis le crime suprême, le matricide. "Je
devrais demander trois fois la réclusion à perpétuité", a lancé le
procureur en soulignant l'abomination que représentent ces
assassinats perpétrés le 24 décembre 2005.
Il n'y a pas de doute raisonnable à avoir dans cette affaire, a
martelé le Ministère public qui a contesté avoir instruit à charge.
D'autres pistes ont été envisagées, mais elles n'ont pas résisté à
l'examen, selon Eric Cottier. L'homme a commis l'horreur par
cupidité et goût forcené de l'argent, selon lui.
Une seule thèse
En fin de compte, seule la thèse du triple assassinat commis par
le fils âgé de 44 ans demeure. Même s'il a vraiment aimé sa mère et
sa soeur pendant des années, la veille de Noël 2005, il a été pris
de "deux heures de furie destructrice" parce qu'il a dû affronter
un refus, ce qu'il ne supporte pas.
Le procureur a livré son scénario. Complètement à sec
financièrement, l'accusé est venu le 24 décembre chez sa mère, une
fois sa soeur sortie. Quand il a entendu qu'il n'obtiendrait cette
fois pas d'argent, il a "explosé" et la tragédie a commencé.
Victime absente
La mère est-elle tombée dans l'escalier, l'a-t-il poussée, les
hypothèses sont nombreuses, selon l'avocat général. Toujours est-il
qu'il l'a ensuite battue, puis s'est acharné sur l'amie, témoin
gênant. Le fils a ensuite guetté le retour de sa soeur et l'a
éliminée, avec assez d'habileté pour que l'on ne retrouve pas son
corps.
Le procureur a reconnu que sa tâche n'était pas facile. "Pas
d'aveux, pas de témoins, pas de caméras" qui permettent d'affirmer
avec une certitude indiscutable que le fils est l'assassin.
Malgré les lacunes, les doutes, les hypothèses et le flou, Eric
Cottier a affirmé que "la cause était entendue". "Les mailles sont
suffisantes" pour prononcer la culpabilité, selon le procureur.
Surtout que le mobile est évident: l'argent. L'accusé avait des
besoins "énormes" et en décembre "il n'a plus un radis". Par
cupidité, l'accusé a fait couler le sang de trois personnes.
ats/bri
"Une accusation vide de toute preuve"
En début d'après-midi, l'avocat de l'accusé, Me Alain Dubuis, a cherché à démonter un par un les arguments de l'accusation.
Le mobile «s'écroule» quand on examine vraiment la situation financière de l'accusé. Il n'est pas aux abois et n'aurait jamais tué celle qu'il adorait pour quelques milliers de francs, alors qu'il avait une belle fortune.
Des peut-être, des probablement, toutes sortes de notions qui n'ont pas leur place devant le Tribunal criminel, a ajouté l'avocat. «Aucun élément scientifique ne peut rattacher l'accusé aux crimes», lance-t-il.
Malgré des recherches énormes, 155 auditions, 500 pièces versées au dossier durant une enquête qui aura duré plus de deux ans, «on ne sait pas ce qui est arrivé, on ne sait rien», selon l'homme de loi.
Pour Me Alain Dubuis, l'instruction a été menée exclusivement à charge, tout a été entrepris contre l'accusé, «le coupable fantasmé», qui s'est rétracté parce qu'il avait été poussé à bout. L'homme de loi a dénoncé le fait que les autres pistes aient été négligées au sein de cette famille rongée par la haine et qui n'a jamais accepté, hormis la mère, l'arrivée de ce fils adoptif.
«Vous devez juger une personne sur du vent», a conclu l'avocat en demandant l'acquittement «sans l'ombre d'un doute». Le verdict sera rendu vendredi 27 juin.
Une affaire mystérieuse
Les corps de la propriétaire de la villa, âgée de 81 ans et d'une amie de longue date, une Bâloise de 80, qui était venue passer les fêtes de Noël avec elle, avaient été découvert le 4 janvier 2006.
Les deux femmes gisaient au pied des escaliers. Déjà en état de décomposition, les corps avaient été identifiés grâce aux comparaisons ADN et dentaires.
La fille de la propriétaire est quant à elle portée disparue depuis le 24 décembre 2005. L'accusation soutient qu'elle a aussi été assassinée. Son frère, un quadragénaire, avait été arrêté un mois après la découverte des deux corps.