A la fin des années 80, les PTT sont à bout de souffle, débordés par les lettres à distribuer. Ils doivent glisser dans les boîtes aux lettres deux milliards et demi de correspondances annuelles et n'arrivent pas à suivre. Leur direction est persuadée, à l'époque, que les Suisses écriront de plus en plus de lettres, des lettres que leurs services n'arriveront plus à distribuer le lendemain, comme ils s'y engagent.
Il faut donc inventer quelque chose et c'est ainsi que voit le jour l'ingénieuse solution de la séparation entre courrier A, plus cher et livré le lendemain, et courrier B, livré sous deux à trois jours. "Ce courrier, on ne va pas le trier tout de suite, on va le garder pour demain matin. Nous sommes aujourd'hui lundi, et il n'arrivera à destination que mercredi", expliquait ainsi l'administrateur de La Poste Marcel Henchoz dans l'émission A bon entendeur de la RTS il y a trente ans.
Tollé national
La mise en place de ce système a deux vitesses entraînera l'installation de boîtes aux lettres séparées entre lent et rapide, ou encore l'impression de timbres A et B. "Les tons rouge et orange du timbre du courrier A représentent la vivacité et l’urgence, alors que les tons bleu et vert plus froids de celui du courrier B suggèrent plutôt le calme": telle est la description, assez poétique, que les PTT font, à l'époque, de leurs nouveaux timbres.
Bien loin des tons calmes des timbres "B", l'introduction de ce nouveau procédé de distribution suscite un véritable tollé en Suisse, tout d'abord parce qu'il ne tient pas ses promesses. Ainsi, au printemps 1991, près d'une lettre sur dix affranchie en courrier A n'est pas livrée à temps. Les clients sont fâchés. Une centaine de parlementaires signent même un postulat contre ce système à deux vitesses, présenté comme un fiasco historique.
De moins en moins de lettres
Les PTT, eux, restent imperturbables. "Ce système à deux vitesses fonctionne bien. 80% de nos objectifs ont été atteints", se défend par exemple le patron des PTT de l'époque, Jean-Noël Rey. Mais l'objectif de renflouer les caisses, lui, ne l'est pas. Les Suisses recourent surtout au courrier B, moins cher, et envoient de moins en moins de lettres au fil du temps.
Ironiquement, ce sont les paquets qui posent aujourd'hui problème à La Poste. Cependant, malgré une volonté répétée de s'en débarrasser, ce système à deux vitesses subsiste aujourd'hui encore, les clients s'étant habitués, voire attachés, au charme désuet des courriers A et B.
Sujet radio: ks
Adaptation web: Vincent Cherpillod