La Suisse votera le 7 mars sur un accord de libre-échange avec l’Indonésie. C’est la deuxième fois qu'un tel accord est soumis au vote, après 1972 et celui conclu avec la Communauté économique européenne.
Les avantages et inconvénients du libre-échange commercial sont au coeur des débats. Ses partisans y voient un coup de pouce concurrentiel indéniable pour l’économie suisse grâce à une réduction des droits de douane. Les opposants, eux, dénoncent un texte qui encourage la mondialisation au détriment des paysans suisses et ne protège pas assez l'environnement et les populations indigènes, notamment parce que l'huile de palme n'a pas été exclue du texte.
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Un accord qui incite à la durabilité
"Pour la première fois, l'accord intègre des conditions de durabilité à l'octroi de tarifs préférentiels pour l'importation de certains produits agricoles, en l'occurrence l'huile de palme. Cet élément tranche avec ceux précédemment signés et mérite d'être soutenu", a estimé jeudi dans La Matinale la conseillère nationale libérale-radicale genevoise Simone de Montmollin.
Pour les référendaires, un tel accord pousserait à la consommation de produits agricoles à bas coût importés de loin, à l'instar de l'huile, qui peut pourtant être fabriquée en Suisse et en Europe. Mais le développement durable intègre trois dimensions, rappelle Simone de Montmollin: l'efficacité économique, la solidarité sociale et la responsabilité environnementale. "Or, les défis environnementaux ne peuvent pas être résolus sans tenir compte des intérêts et conséquences économiques et sociales", souligne-t-elle, insistant sur le fait que c'est justement dans le cadre de tels accords que ces principes de durabilité pourront être implémentés.
Il est inutile d'imaginer qu'en ne signant pas cet accord, on va régler le problème des forêts pluviales en Indonésie
"On n'importe presque pas d'huile de palme indonésienne pour le moment, justement pour des raisons environnementales. Cet accord permettrait d'imposer des critères favorables au développement d'une agriculture durable en Indonésie", illustre l'élue, ingénieure œnologue de formation. Si "l'objectif est de lutter contre les excès, dérives et impacts négatifs que cette production occasionne, c'est à la faveur d'accords de cette nature, qui engagent les Etats dans un processus d'amélioration, qu'on peut y arriver. Il est inutile d'imaginer qu'en ne le signant pas, on va régler le problème des forêts pluviales".
Conditions de production impossibles à contrôler?
Pour les opposants à l'accord de libre-échange, le gouvernement indonésien n'est cependant pas un partenaire fiable en la matière et la Suisse ne sera pas en mesure de contrôler les conditions de production. "On peut postuler sur la faillibilité de tout gouvernement dans à peu près toutes les régions où ils ne répondent pas aux mêmes standards démocratiques que nous avons en Suisse", rétorque Simone de Montmollin. "On part de loin. Les problèmes liés à la surproduction dans ces régions du monde ne sont pas à nier, mais le but est de faire évoluer les pratiques, d'apporter un soutien dans des démarches d'amélioration."
On part de loin. Les problèmes liés à la surproduction dans ces régions du monde ne sont pas à nier, mais le but est de faire évoluer les pratiques
Simone de Montmollin balaie aussi les craintes de concurrence déloyale envers les paysans suisses: "La production d'huile de palme qui entrerait en Suisse est diligemment contingentée. Les quantités qu'il est prévu d'importer sont tout à fait négligeables par rapport à la production d'oléagineux suisses. Elle ne mettra pas du tout en concurrence notre production agricole", avance-t-elle, pointant le fait que l'Union suisse des paysans soutient finalement l'accord, même si le référendum a été lancé par le monde paysan, qui part divisé.
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Vincent Cherpillod
"La surconsommation est avant tout un problème de comportement individuel"
"En Suisse, nous n'avons pas de ressources. Nous gagnons un franc sur deux à l'étranger, et la moitié de ce franc ne vient pas d'Europe. Pour nos emplois, pour nos revenus, nous dépendons fortement de notre commerce international. Et pour pouvoir le faire de manière équitable, il faut des accords commerciaux", argumente Simone de Montmollin.
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La libérale-radicale réfute l'épouvantail de la surconsommation de biens produits à l'autre bout du monde brandi par les opposants: "Cette surconsommation dont on parle, on veut lui attribuer comme origine la liberté du commerce et le développement commercial. Mais elle est avant tout un problème de comportement individuel avant d'être la résultante d'un mécanisme économique", estime-t-elle.
"Il faut avoir un regard lucide sur la réalité de notre planète. Nous commerçons avec nos voisins directs, mais aussi avec des voisins plus lointains, c'est un fait. Nous avons besoin d'échanges et d'accords commerciaux solides, qui tiennent compte des enjeux environnementaux et sociaux".