Chaque semaine, la Suisse reçoit des dizaines de milliers de doses de vaccin contre le Covid-19 de la part de Pfizer/BioNTech et Moderna. C'est à la pharmacie de l'armée que revient la lourde charge de gérer la réception de ces précieuses fioles, de les stocker puis de les distribuer dans les cantons.
Au vu des contraintes spécifiques à ces vaccins, les risques de détériorer le produit sont légion. Et pourtant, la mission a jusqu'à présent été remplie sans dommages, constate le porte-parole de l'armée, interrogé par la RTS. "Aucune perte ni aucun problème dans le transport ou le stockage n'est à déplorer", se félicite Daniel Reist.
Quelques flacons du vaccin Pfizer jetés
La suite de la tâche incombe aux cantons. Là aussi, la logistique semble pour l'heure maîtrisée et les dégâts sont extrêmement limités, si l'on en croit les cantons que nous avons contactés. Genève, le Valais, Fribourg et Berne affirment ainsi n'avoir perdu aucune dose depuis le début de la campagne de vaccination il y a plus d'un mois.
A Neuchâtel, cinq flacons du vaccin Pfizer, soit une trentaine de doses, ont dû être jetés dans un EMS du Val-de-Ruz en raison d'un problème de réfrigération, comme l'a révélé il y a une semaine le journal Arcinfo. Par ailleurs, une fiole du même vaccin a été gâchée à la suite d'une chute lors de la préparation, ajoute le Canton.
Dans le Jura, ce sont 11 flacons de Pfizer qui ont été perdus depuis le début de la campagne de vaccination le 4 janvier, et ce pour diverses raisons (rupture de la chaîne du froid, fragment de plastique de l'opercule après perforation par aiguille, erreur de manipulation). Le taux de perte est de 1,4%, indique l'administration cantonale.
Enfin, dans le canton de Vaud, deux fioles du vaccin Pfizer, soit 12 doses, n'ont pas pu être utilisées, sur les plus de 51'000 doses déjà injectées. "L’une a été cassée par accident et l’autre n’a pas pu être injectée car le délai de péremption après préparation était dépassé", précise le Département de la santé et de l'action sociale.
Des vaccins à ARN très contraignants
Les deux seuls vaccins anti-Covid actuellement autorisés en Suisse - ceux de Pfizer/BioNtech et de Moderna - imposent d'importantes contraintes logistiques. Le premier doit être stocké à une température de -80°C et, une fois décongelé, ne peut être conservé que cinq jours au frigo. Le second est certes un peu moins fragile, mais nécessite néanmoins une stricte maîtrise de la chaîne du froid.
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Début janvier, les autorités françaises avaient indiqué prévoir des pertes abyssales de l'ordre de 25% à 30% des doses reçues. Cette estimation, qualifiée de "marge de sécurité" par le gouvernement, avait toutefois été jugée excessivement pessimiste par certains experts. En Suisse, aucune estimation n'avait été communiquée par les autorités cantonales ou fédérales.
A Neuchâtel, les pertes ont été estimées entre 1% et 2%, "comme pour toute campagne de vaccination", indique le canton. Mais souvent, aucune prévision n'a été réalisée. C'est le cas notamment dans les cantons de Vaud et du Jura. La raison principale? Les vaccins de Pfizer et de Moderna reposent sur une technologie nouvelle, l'ARN messager, ce qui complique la comparaison avec les campagnes précédentes, nous explique-t-on.
La formation pour éviter le gaspillage
Pour l'heure, la vaccination se pratique très majoritairement dans des grands centres cantonaux ou via des équipes mobiles spécialisées. Dans les prochains mois, médecins de famille et pharmaciens rentreront dans le jeu, mais les cantons ne craignent pas une explosion des pertes. Pour éviter le gaspillage, tous les cantons affirment insister énormément sur la formation ainsi que sur la mise en place de procédures précises.
"Nous allons tout mettre en oeuvre pour ne pas dépasser nos prévisions", note l'Organisation de gestion de crise et de catastrophe du canton de Neuchâtel (ORCCAN). "Il y aura peut-être une légère hausse des pertes, mais ça restera dans le domaine de l'acceptable", relève pour sa part Ludovic Monteiro, le coordinateur jurassien pour la vaccination.
Alors que la pénurie de vaccins retarde la campagne de vaccination dans tout le pays, les cantons semblent vouloir éviter à tout prix d'ajouter une variable dans une équation déjà fort complexe.
Didier Kottelat