Selon un communiqué du Département fédéral des affaires
étrangères, les autorités libyennes ont mis en oeuvre dès le 17
juillet des mesures de rétorsion "préoccupantes" contre la Suisse.
Elles pourraient même être lourdes de conséquences pour l'économie helvétique.
Des mesures spectaculaires
La Suisse a vivement protesté contre ces mesures, qui font suite
à l'interpellation du fils du colonel Kadhafi la semaine passée par
la police genevoise (voir ci-contre).
Jusqu'à nouvel avis, le DFAE recommande aux citoyens suisses de
renoncer à tout déplacement à destination de la Libye. Le
Département a indiqué que 49 Helvètes vivent en Libye et estime que
le nombre de touristes suisses dans le pays est assez minime.
Eviter l'escalade
Mardi, Micheline Calmy-Rey, qui a interrompu ses vacances, a
déjà protesté lors d'un entretien téléphonique avec son homologue
libyen, Abderrahman Shalgan, indique le Département fédéral des
affaires étrangères. Elle lui a notamment précisé que la Suisse
souhaitait éviter toute escalade entre les deux pays.
Dès le 17 juillet, Tripoli a rappelé son chargé d'affaires et des
délégations officielles en mission en Suisse. Puis les autorités
libyennes ont suspendu l'octroi de visas pour les ressortissants
helvétiques et ont interrompu la légalisation de documents, selon
le communiqué.
Des entreprises fermées
De plus, les liaisons aériennes
entre la Libye et la Suisse ont été réduites. Un vol par semaine
est maintenu depuis le 17 juillet, contre trois en temps normal.
Tripoli a demandé notamment à la compagnie Swiss de réduire ses
rotations hebdomadaires de trois à une seule «pour des raisons
techniques», a indiqué Jean-Claude Donzel, porte-parole de la
compagnie. La compagnie libyenne Afriqiyah Airways a elle certes
évoqué mercredi les mêmes «problèmes techniques» à l'aéroport de
Tripoli, démentant toutefois l'annulation de deux de ses trois vols
hebdomadaires.
Les entreprises suisses ont quant à elles reçu un ordre de
fermeture et les bureaux de certaines ont été mis sous scellés. Une
quinzaine de sociétés sont implantées en territoire libyen, dont
ABB, Nestlé et des banques.
Le bureau de représentation de Nestlé a ainsi été mis sous scellés
entre hier et aujourd'hui. Son responsable, d'origine égyptienne, a
été quant à lui placé en garde à vue durant quelques heures, a
indiqué le porte-parole de la multinationale. Nestlé n'a pas
d'autre employé sur sol libyen.
Enfin, deux ressortissants helvétiques, dont un employé d'ABB,
sont en garde à vue depuis le 19 juillet sous divers motifs
d'accusation. Le département de Micheline Calmy-Rey a souligné
qu'il poursuivra sans relâche ses efforts pour obtenir leur
libération.
Une délégation dépêchée
Le DFAE indique qu'une délégation diplomatique est arrivée
mercredi à Tripoli afin d'apporter à la Libye des explications sur
l'arrestation du fils Kadhafi. Elle devra tenter de prévenir la
crise entre les deux pays et tenter d'obtenir la libération des
deux Suisses. La Suisse a depuis la semaine passée multiplié les
démarches diplomatiques et mis en place une cellule
d'intervention.
Mais Berne précise aussi que l'affaire de Hannibal Kadhafi est du
seul ressort de la justice genevoise, qui statue selon le droit en
vigueur.
ats/Cécile Rais
Hannibal avait été arrêté mardi passé
Le fils cadet du colonel Kadhafi et sa femme ont été interpellés mardi passé dans un palace genevois. La femme de Hannibal Kadhafi, enceinte de neuf mois, était venue à Genève pour accoucher.
La police est intervenue après avoir été alertée par des employés de l'hôtel, révoltés par l'attitude des époux Kadhafi à l'égard de deux de leurs domestiques.
Hannibal et son épouse ont tous les deux été inculpés de lésions corporelles simples, menaces et contraintes envers leurs domestiques par le juge d'instruction Michel-Alexandre Graber.
Interpellés mardi, les époux ont été libérés jeudi contre une caution de 500'000 francs et ont ensuite quitté la ville, comme la loi le permet.
Le colonel Kadhafi, né le 19 juin 1942 à Syrte en Libye, est de facto le chef de l'Etat de la Libye depuis 1970, à la suite du coup d'Etat du 1er septembre 1969.
Officiellement, Kadhafi est désigné comme le Guide de la grande révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, titre plus généralement raccourci en « frère guide.
Selon l'organisation Human Rights Watch, "des dizaines de personnes se trouvent en prison en Libye pour s'être livrées à une activité politique, et certaines ont disparu. La Loi 71 interdit toute activité politique indépendante et les contrevenants sont passibles de la peine de mort".
Déjà une affaire similaire en 1997
Ce n'est pas la première fois qu'un des fils du colonel Mouammar Kadhafi est à l'origine de tensions diplomatiques entre la Suisse et la Libye.
Le 12 novembre 1997, la Libye avait interdit aux citoyens suisses l'accès à son territoire.
Cette mesure faisait suite au refus d'un visa à un fils du "guide de la révolution" qui voulait étudier à Genève.
La délivrance de visas à des citoyens libyens avait alors été limitée à des raisons humanitaires.
Le conflit avait été résolu en avril 1998. La Libye avait alors levé son interdiction et la Suisse était revenue à la pratique antérieure en matière de visas.