La Libye est le principal fournisseur de pétrole brut de la
Suisse et son deuxième partenaire commercial en Afrique. Des voix
s'élèvent déjà pour demander l'arrêt des exportations de brut vers
la Suisse, alors que la crise s'envenime entre les deux pays suite à
l'arrestation du fils du colonel Kadhafi à Genève.
L'Union pétrolière tempère
En 2006, 48,6% des importations suisses de pétrole brut
provenaient de Libye, selon les données du Secrétariat d'Etat à
l'économie. La balance commerciale entre les deux pays penche
nettement en faveur de la Libye. Et avec la récente flambée des
prix du pétrole (doublement en un an), le déficit commercial de la
Suisse tend évidemment à se creuser.
Du fait du pétrole, les importations se montaient à 1,677 milliard
de francs en 2006, alors que les exportations suisses vers la Libye
ne représentaient que 240 millions de francs. La Suisse lui vend
surtout des machines, des produits pharmaceutiques et des produits
agricoles.
Mais l'Union pétrolière suisse tempère. Un arrêt des importations
de pétrole libyen n'aurait pas d'impact, la Confédération disposant
de suffisamment de réserves et d'autres sources d'approvisionnement
pour assurer ses besoins, a-t-elle indiqué mercredi. "La Libye se
punirait elle-même", en cas d'embargo sur les exportations de
pétrole vers la Suisse, a estimé le directeur de l'Union pétrolière
suisse Rolf Hartel. La raffinerie de Collombey, l'une des deux
raffineries suisses, est en effet propriété de Tamoil, une
entreprise publique libyenne, qui contrôle notamment 320 stations
d'essence en Suisse, a-t-il ajouté. "Economiquement, cela n'aurait
pas de sens", a souligné Rolf Hartel.
Deuxième partenaire d'Afrique
La Libye est le deuxième partenaire commercial de la Suisse sur
le continent africain, derrière l'Afrique du Sud. Pour les
exportations suisses, la Libye est le cinquième débouché en
Afrique, derrière l'Afrique du Sud, l'Egypte, le Maroc et
l'Algérie.
La Libye, à la faveur de son retour dans le concert international,
tente actuellement de diversifier son économie, notamment en
développant le tourisme. Mais à la lumière des données disponibles,
la dépendance à l'égard du pétrole pour alimenter la croissance
économique n'est pas prête de se réduire.
Gros échanges financiers
Enfin, la Suisse et la Libye entretiennent d'intenses échanges
financiers. A fin 2007, les fonds libyens déposés dans les banques
suisses se montaient à 5,784 milliards de francs, selon les
statistiques de la Banque nationale suisse (BNS). A cela s'ajoutent
des avoirs fiduciaires à hauteur de 812 millions.
En l'espace d'une année, les avoirs libyens en Suisse ont augmenté
d'un bon milliard. En revanche en Libye, les avoirs bancaires
suisses n'atteignent que 111 millions de francs.
agences/cer
Manifestation hostile à Tripoli
Les comités révolutionnaires libyens, épine dorsale du régime du colonel Kadhafi, ont préconisé mercredi un boycott des banques suisses par Tripoli. Ils affirment aussi que le pays, premier fournisseur de pétrole à la Suisse, pourrait stopper ses exportations de brut.
Dans un communiqué, ils annoncent qu'ils vont demander au Congrès général du peuple (parlement) de retirer les avoirs libyens dans les banques helvétiques, de refuser tout contrat en Libye aux entreprises suisses et de cesser de fournir du pétrole à la Confédération si elle ne présente pas des excuses.
Les comités révolutionnaires libyens ont organisé mercredi une manifestation de protestation devant l'ambassade de Suisse à Tripoli. Environ 200 personnes y ont pris part.
Les manifestants ont brandi des portraits du guide de la révolution libyenne, scandant des slogans à sa gloire, alors que le rassemblement était encadré par un important dispositif policier. Ils ont les "mauvais traitements" subis par un fils du dirigeant libyen.
Ils ont remis à l'ambassadeur suisse un communiqué menaçant la Confédération de représailles si elle ne présente pas des excuses officielles au peuple libyen et au colonel Kadhafi.
"Nous n'avons cherché à aucun moment à blesser les sentiments du peuple libyen", a dit l'ambassadeur de Suisse à Tripoli, Daniel Von Muralt, dans une déclaration à la presse et à des représentants des comités révolutionnaires.