Aller chercher en pharmacie ce que l'on appelait autrefois "la pilule du lendemain", celle que l'on peut prendre par exemple lorsque le préservatif s'est déchiré pendant un rapport sexuel, n'est pas toujours facile.
Car, si la contraception d'urgence a été libéralisée en Suisse en 2002, son accès reste particulièrement strict, contrairement à la France notamment, où la vente est totalement libre.
Pour l'obtenir, les femmes doivent passer par un entretien avec questionnaire en arrière-salle d'une pharmacie. Et la plupart des témoignages recueillis sur les réseaux sociaux montrent que ce moment a été particulièrement intrusif.
"On voulait me faire dire que j'avais fauté"
"C'est vraiment une marche de la honte (…) avec la pharmacienne qui va me poser des questions sur ce qui s'est passé", raconte une jeune femme de 30 ans parlant d'une expérience vécue il y a cinq ans. "Est-ce que le préservatif s'est cassé? Est-ce que vous n'en n'avez pas mis? J'avais vraiment l'impression qu'on voulait me faire dire que j'avais fauté. J'ai menti, du coup, parce que je n'avais pas envie qu'elle me juge plus qu'elle ne l'avait déjà fait auparavant".
"Malheureusement, cela peut être vécu ainsi, confirme Yara Barrense-Dias, chercheuse à Unisanté Lausanne et co-auteure d'une étude à ce propos publiée l'an dernier.
"On a vu trois situations", a-t-elle expliqué jeudi dans Forum. "On a eu des témoignages de femmes qui avaient eu des expériences totalement positives ou neutres. On a ensuite eu la situation décrite par cette jeune femme, où les clientes étaient victimes de jugement ou de propos assez moralisateurs (…) Et on avait une situation un peu intermédiaire où - sans propos directement négatifs ou moralisateurs - les jeunes femmes elles-mêmes avaient une telle appréhension, une telle gêne, que cela a marqué l'expérience parce qu'elles-mêmes considéraient qu'elles avaient fait quelque chose de mal avant même de rentrer dans la pharmacie."
Aussi un rôle de prévention
Pour cette chercheuse, le protocole mis en place n'est cependant pas forcément excessif. "Il peut également avoir un effet positif, dans le sens où un contrôle médical est effectué lors de cet entretien. Et je pense que c'est aussi une belle opportunité pour faire de la prévention, de l'éducation sexuelle, face à une adolescente. D'un autre côté, effectivement, si le protocole est pris trop à la lettre, je pense que cela peut avoir un effet traumatisant et dissuasif."
Yara Barrense-Dias voit trois points sur lesquels travailler pour améliorer la situation. "Le premier est de sensibiliser les jeunes. On a vu que ce qui faisait aussi une expérience très négative pour elles, c'était un manque de transparence et d'information sur le protocole et l'entretien. Il y a aussi la sensibilisation des professionnels évidemment, pour leur dire que certaines choses ne se disent pas. Et ensuite, une sensibilisation de la société en général par rapport à la diabolisation de la contraception de manière générale et la sexualité des jeunes".
Le protocole mis en place en Suisse a du reste été actualisé la semaine dernière pour réduire au maximum les questions qui dérangent.
oang avec Coraline Pauchard