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"La crise actuelle pourrait être un point de bascule vers un nouveau tourisme"

Les pertes liées à la pandémie pourraient se chiffrer en milliards pour le tourisme suisse. [Keystone - Gian Ehrenzeller]
L'invitée: Leïla Kebir / Six heures - Neuf heures, le samedi / 7 min. / le 20 février 2021
Quel sera le tourisme de l'après-Covid? Alors que la pandémie a remis en avant un tourisme plus local et plus respectueux, certains souhaitent passer des vacances à l'étranger dès qu'ils le pourront. Mais cette crise pourrait tout de même être un point de bascule vers un nouveau tourisme.

En annonçant des chiffres catastrophiques pour l'année 2020 (voir encadré), Suisse Tourisme a dévoilé vendredi une campagne de promotion mettant en valeur les atouts du pays et misant sur le tourisme durable pour faire revenir les voyageuses et voyageurs après le choc de la pandémie.

Avec ses sentiers de randonnée, panoramas de montagnes, son réseau de transports en commun dense qui permet de visiter quasiment chaque recoin du pays, la Suisse est une "championne cachée" de la durabilité, a fait valoir Martin Nydegger, le directeur général de l'organisme de promotion du touristique.

Suisse Tourisme compte notamment lancer un label de durabilité auquel tous les acteurs de la branche touristique, qu'il s'agisse des remontées mécaniques, restaurants, attractions ou prestataires d'hébergement, seront invités à s'inscrire. Appelé "Swistainable", une contraction de "Swiss" (Suisse) et "Sustainable" (durable), ce label classera les établissements en trois catégories en fonction de leur degré de durabilité.

Beaucoup de Suisses passeront des vacances à l'étranger dès qu'ils le pourront

Leïla Kebir, professeure associée à l'Université de Lausanne

Réagissant samedi dans La Matinale, Leïla Kebir, professeure associée en tourisme et économie territoriale à lʹInstitut de géographie et de durabilité de lʹUniversité de Lausanne, estime que le tourisme local joue un rôle central en temps de crise, car il atténue le choc le temps que la situation se rétablisse et que les touristes étrangers reviennent, mais qu'il ne suffit pas pour éviter des chutes importantes des nuitées, notamment à cause d'un tourisme d'affaires à l'arrêt.

Ce tourisme local va-t-il perdurer après le Covid, quand les voyages internationaux seront à nouveau possibles? "On ne sait pas bien comment on va réagir", répond Leïla Kebir, estimant toutefois que "le désir de voyage hors de Suisse n'a pas disparu. Beaucoup de Suisses vont passer des vacances à l'étranger dès qu'ils le pourront."

On pourrait ne pas être que dans une parenthèse

Leïla Kebir, professeure associée à l'Université de Lausanne

Cette spécialiste de la durabilité observe toutefois certains changements en profondeur: une revalorisation de l'image du tourisme indigène grâce aux campagnes de promotion, une redécouverte des territoires ruraux et de montagne avec leur offre touristique large et de qualité, ainsi qu'un désir de nature et des aspirations de durabilité de la part de la population. "On pourrait ne pas être que dans une parenthèse", constate Leïla Kebir. "On pourrait s'attendre à ce que la réorganisation des vacances des Suisses après le Covid se fasse avec un couplage entre tourisme international et tourisme indigène."

Et d'ajouter que "beaucoup aspirent à voir se développer un autre tourisme, plus lent, plus profond et plus respectueux que le tourisme de masse. La crise pourrait être un point de bascule pour ce nouveau tourisme, mais il très difficile de prédire ce qui va se passer après une crise, surtout une crise de cette ampleur". Pour Leïla Kebir, on ne reviendra sans doute pas à la situation d'avant le Covid, mais le changement ne sera sans doute pas radical. "Il pourra être pluriel, avec le retour à d'anciennes pratiques, mais aussi l'affirmation de nouveaux désirs et de nouvelles aspirations."

Interview radio: Yann Amedro
Sujet web: Frédéric Boillat avec ats

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Une année catastrophique pour le tourisme

L'hôtellerie suisse a vécu une année 2020 très difficile, avec un recul de 40% des nuitées par rapport à 2019, en raison de la pandémie de coronavirus. La baisse atteint même 66% pour les nuitées de la clientèle étrangère.

Durant l'été, les nuitées réalisées auprès de la clientèle suisse, qui a pris ses vacances dans le pays, a aidé à limiter la casse sans toutefois compenser le manque à gagner: elles ont augmenté de 24% durant la saison estivale, qui s'étale de juillet à octobre.

Le taux d'occupation a aussi reculé, passant de 55% en 2019 à 36% en 2020. La situation est encore plus significative dans les grandes villes comme Genève et Zurich, où le taux a plongé à 28%, après 65% l'année précédente.

La saison hivernale actuelle devrait aussi s'avérer douloureuse. Malgré les importantes chutes de neige, les vacances de février 2021 enregistrent un recul de 16% des nuitées et la fréquentation (remontées mécaniques,...) une chute de 36%, selon les premières estimations.