Dans le sillage de l'affaire Nef, le PS remet la question de la
destitution des conseillers fédéraux sur le tapis. Le président du
parti veut pallier une lacune du système, a-t-il annoncé dans le
journal dominical Sonntag et lors du 19:30 de la TSR.
Une exception suisse
A l'heure actuelle, le Parlement peut seulement ne pas
reconduire un ministre dans ses fonctions à l'issue de ses quatre
ans de mandat. C'est ce qu'il a fait l'an passé avec Christoph
Blocher.
La Suisse est presque l'unique grande démocratie à ne pas
connaître la destitution de ses ministres par le Parlement, relève
Christian Levrat. Pour lui, c'est une lacune du système car cet
instrument fait partie du bon fonctionnement d'une démocratie
saine. Le PS étudie donc les moyens de l'introduire.
Durant le 19:30 de la TSR, Christian Levrat a estimé qu'une telle
procédure n'entraînerait pas une paralysie du système, comme cela
peut être le cas dans d'autres pays, car elle devrait répondre à
des critères précis. Par exemple, une démission pourrait être
demandée en cas de problèmes de santé d'un ministre ou
lorsqu'intérêts publics et privés sont liés, comme dans l'affaire
Kopp.
Samuel Schmid pas visé
Cette demande ne concerne pas le cas de Samuel Schmid, a
souligné le président du PS, qui observe néanmoins que le
conseiller fédéral a très mal agi dans l'affaire de la nomination
du chef de l'armée.
La décision était mauvaise, la procédure grossièrement négligente
et l'information du Conseil fédéral insuffisante, selon lui. Samuel
Schmid a cependant adopté un comportement dans l'intérêt du pays,
selon Christian Levrat.
Pas d'indemnité pour Roland Nef?
C'est la raison pour laquelle son parti ne demande pas le départ
du ministre de la Défense. En revanche, Christian Levrat exige que
la rupture des rapports de travail avec Roland Nef, actuellement
mis en congé, ne se solde pas par un dédommagement de plusieurs
centaines de milliers de francs. Roland Nef est lui-même
responsable de sa situation et doit donc démissionner sans
indemnité de départ.
Le Conseil fédéral doit statuer le 20 août sur la démission de
Roland Nef, qui a demandé d'être relevé de ses fonctions de chef de
l'armée suite à la polémique autour des circonstances de sa
nomination. La fonction de chef de l'armée suisse n'existe que
depuis cinq ans. Avant, c'était le ministre de la Défense qui
assurait ce rôle.
Samuel Schmid en confiance
Dans la NZZ am Sonntag, Samuel Schmid se
déclare quant à lui convaincu d'avoir un solide soutien de la
population. Il en veut pour preuve l'accueil reçu vendredi à
Champoz (BE) pour le 1er août.
La confiance reçue est une motivation supplémentaire, précise-t-il
dans le SonntagsBlick. Critiqué pour avoir nommé Roland Nef à la
tête de l'armée alors que ce dernier se trouvait sous le coup d'une
enquête pénale dont il n'a pas informé le Conseil fédéral, Schmid
Schmid a été invité à démissionner par son ancien parti l'UDC et
par les Verts. Le Bernois relativise toutefois la tempête des
dernières semaines, estimant que la population a d'autres chats à
fouetter.
D'autant que l'armée fonctionne bien et n'est pas en crise,
renchérit dans Sonntag le divisionnaire Hans-Ulrich Solenthaler. Ce
sont les soldats qui font l'armée et ils accomplissent leur tâche
de manière excellente, assure le commandant de la Division
territoriale 4, l'une des personnalités évoquées pour la succession
de Roland Nef.
agences/cer
Réactions sceptiques des politiciens
Durant le 19:30 de la TSR, plusieurs personnalités politiques ont réagi à la proposition du Parti socialiste d'introduire une procédure de destitution pour les conseillers fédéraux.
Jean-René Germanier (PRD/VS) estime que la Suisse ne connaît pas le culte de la personnalité. La proposition de Christian Levrat "modifierait profondément notre système politique".
De son côté, le vice-président du PDC Dominique de Buman juge le moment mal choisi. Les commissions compétentes ont en effet décidé il y a quelques jours de ne pas demander la démission de Samuel Schmid.
Enfin, l'UDC genevois Yves Nidegger est plus critique: "Il n'y a aucune demande institutionnelle, c'est uniquement un coup de publicité".
L'armée a toujours le soutien du peuple
Malgré l'affaire Nef, l'armée suisse jouit d'un large soutien dans la population. Selon un sondage publié par le "SonntagsBlick", 72% des personnes interrogées estiment que la Suisse a besoin d'une armée.
Seules 36% pensent que l'armée est en crise. Elles sont en revanche 54% à répondre non à la question: "Est-ce que l'armée est en crise?".
En outre, seules 26% des personnes interrogées répondent par "non" à la question: "Est-ce que la Suisse a besoin d'une armée?", alors que 72% répondent par "oui".
En 1989, lors d'une première tentative pour abolir l'armée dans les urnes, la proportion d'électeurs souhaitant la suppression de l'armée avait été de 35,6%. En 2001, lors du vote sur la seconde initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), le résultat en faveur de l'armée avait été encore plus clair que dans le sondage publié dimanche. L'initiative avait été balayée par 78,1% des votants.
L'opinion est plus divisée face à la question: "De quelle armée avons-nous besoin?" Quelque 40% des personnes interrogées sont pour l'armée de milice actuelle avec obligation de servir pour tous les Suisses.
Toutefois, 30% se prononcent en faveur d'une armée de milice constituée de volontaires, chacun ayant le droit de décider s'il veut servir ou non. Et 26% sont favorables à une armée purement professionnelle.