Dans La Matinale, le professeur d'informatique médicale à la haute école spécialisée bernoise a confirmé mercredi le diagnostic de l'épidémiologiste Marcel Salathé, qui a annoncé dimanche sa démission de la "task force" fédérale sur le coronavirus pour créer CH++. "Nous avons du retard dans l'informatisation des acteurs de la santé, en particulier dans la gestion des données", affirme Serge Bignens.
L'exemple de l'utilisation du fax par l'administration fédérale en pleine pandémie est à ce titre emblématique. "C'est la réalité. L'histoire comprenait même que l'on comptait le nombre d'annonces en pesant le poids des fax sortis de la machine pour savoir s'il y avait 500 ou 700 annonces d'infections à l'époque", détaille le spécialiste.
Changer de quai
Pour expliquer le rôle que souhaite endosser l'organisation CH++ dans ce contexte, Serge Bignens recourt à une métaphore ferroviaire: "Si un train a du retard, les CFF affichent un petit 'bouton rouge' qui indique la raison du retard et le quai où l'on peut trouver une nouvelle liaison. A CH++, nous aimerions être ce petit 'bouton rouge' qui vous dit: 'Attention, là, on a 20 ans de retard, changez de quai!'"
Et CH++ veut alors offrir la possibilité d'aller sur un autre quai pour prendre la prochaine correspondance. Celle-ci peut se trouver dans de nombreux domaines, poursuit Serge Bignens, comme la prochaine vague du virus, un enjeu sur le climat, la formation de la population, le dossier électronique du patient ou encore les coûts de la santé. "Et ces prochaines correspondances, on ne doit pas les rater", insiste le professeur.
"On se repose sur nos lauriers"
Pour Serge Bignens, la Suisse dispose d'un bon système de santé. Mais en matière d'utilisation des technologies sur le plan administratif, le pays est en retard "parce qu'on se repose sur nos lauriers. La pression n'est pas suffisante pour que l'on se dise qu'on a un souci de système de santé. Donc on se repose, et au moment où un événement 'disrupteur' tel qu'une pandémie arrive, on est surpris".
Par rapport à la plateforme Digital Switzerland, qui poursuit à peu près les mêmes objectifs, CH++ veut amener un regard indépendant des entreprises et de l'économie, qui sont les moteurs de Digital Switzerland, explique Serge Bignens. "Mais nous allons travailler avec eux et avec d'autres acteurs, pour compléter leur travail".
La transparence pour créer la confiance
CH++ veut agir aussi bien auprès de la population que des politiciens, en misant sur la transparence pour créer la confiance. "Il faut présenter les avantages, tout en étant transparent sur les risques", souligne le professeur.
Interview radio: Benjamin Luis
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz