Le projet entendait simplifier la vie des citoyens et citoyennes. Il prévoyait l'introduction d'un seul identifiant, certifié par l'Etat, et pouvant être utilisé pour lire son journal, contracter un abonnement de téléphone ou commander un extrait du casier judiciaire en ligne. Aucun canton ne l'a soutenu et la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, cheffe du Département fédéral de justice et police, essuie ainsi un premier échec cinglant dans les urnes.
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Gestion privée jugée problématique
L'utilité d'une e-ID n'était pas controversée, mais sa gestion par des entreprises privées a suscité le référendum lancé par la Société Numérique, l'organisation Campax, la plateforme We collect et l'association Public Beta. Toutes dénonçaient la libéralisation d'une tâche régalienne.
Le camp du "non" critiquait aussi une collecte inutile de données. Chaque opération effectuée en ligne aurait été enregistrée et effacée au bout de six mois seulement.
Pour le gouvernement, la répartition des rôles était pourtant claire. La souveraineté de la Confédération était conservée et le projet était sûr. Mais les Suissesses et les Suisses n'ont donc pas été convaincus.
Réactions des comités
Benoît Gaillard (PS), coordinateur romand du référendum sur l'e-ID, s'est réjoui du "non" extrêmement clair du peuple suisse au projet. "Rien ne nous permettait d'imaginer une victoire aussi large", a-t-il déclaré à la RTS. "C'est une belle victoire pour le service public en général en Suisse" (…) Nous espérons que ce sera la porte ouverte à une identité électronique citoyenne, c’est-à-dire gratuite, identique pour tous, et qui ne crée pas de base de données centralisée permettant le profilage par des privés".
L'Alliance pour une e-ID suisse, de son côté, "prend acte" de la décision du peuple suisse mais regrette une "occasion manquée" pour la Suisse de réaliser une avancée technologique majeure. Pour les partisans du texte, il appartient désormais aux responsables politiques de proposer une nouvelle solution.
Réactions politiques
Partisans et adversaires de la loi sur l'identité électronique s'accordent sur la nécessité d'une nouvelle solution rapide et viable, qui inspire confiance à la population. La manière de procéder reste cependant ouverte.
En rejetant l'e-ID, la Suisse manque une occasion de donner une impulsion à la numérisation du pays, regrette le PLR. Une solution étatique ne viendra pas si rapidement, a averti la présidente du PLR Petra Gössi sur Blick TV. Dans la même émission, le président de l'UDC Marco Chiesa a estimé qu'il est maintenant impératif de s'asseoir autour d'une table pour trouver une solution. Le Centre regrette également le rejet de la loi et exige à présent de nouvelles idées et approches.
Pour le coprésident du PS Cédric Wermuth, le peuple a pris une décision de principe en disant qu'il souhaite garder un contrôle démocratique sur les données. Les Verts notent "avec satisfaction" le rejet de la privatisation de l'identité électronique. Ils se disent prêts à rejoindre une alliance interpartis afin d’exiger rapidement une nouvelle loi.
Réactions économiques
L'Union suisse des arts et métiers (USAM) regrette le "retour en arrière" que constitue le rejet de cette loi pour le développement de la cyberadministration et de la numérisation. "Cette décision creuse le retard de la Suisse sur les pays possédant leur propre e-ID depuis des années", réagit-elle en exigeant une solution dans les plus brefs délais.
La faîtière de l'industrie des machines Swissmem se dit très déçue par le rejet très net de la loi. Cette e-ID aurait clairement renforcé la Suisse en matière de numérisation, souligne-t-elle. Le pays doit maintenant rattraper son retard dans ce domaine s'il ne veut pas perdre le contact avec les leaders mondiaux.
Selon l'Union syndicale suisse (USS), le "non" permet d’éviter la mise en place d’une société à plusieurs vitesses sur Internet et la captation d’informations officielles à des fins de profilage. Il s'agit maintenant de rapidement mettre en place une identification électronique officielle publique, transparente et au service de l'intérêt public.
>> Voir aussi : Les cartes des résultats des votations fédérales, commune par commune
ats/oang
Forte opposition sur Vaud, Genève et Neuchâel
Bâle-Ville (70,69%) a compté le plus d'opposants. Vaud (70,05%), Genève (69,40%) et Neuchâtel (68,55%) lui emboîtent le pas. Schaffhouse, qui dispose pourtant de sa propre e-ID, est également dans le peloton de tête avec 68,45% de refus.
Les autres cantons romands rejettent aussi très largement le projet. Le Jura dit "non" à 66,65%, Fribourg à 62,19% et le Valais à 59,98%. A Berne, les opposants ont récolté 66,76% des voix. Le Tessin (55,81%) enregistre quant à lui le refus le plus faible.
Au final, plus de 1,7 million d'électeurs ont balayé le texte et quelque 980'000 autres ont glissé un bulletin favorable dans l'urne.