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Le télétravail bouscule les règles des grandes administrations romandes

Le télétravail va davantage se développer dans les administrations publiques (vidéo)
Le télétravail va davantage se développer dans les administrations publiques (vidéo) / La Matinale / 3 min. / le 10 mars 2021
La pandémie du coronavirus a dopé le télétravail. Dans la fonction publique, l'expérience a été concluante et les administrations assouplissent leurs règlements. Un changement qui se veut gagnant-gagnant.

C'est un effet bénéfique de cette pandémie; le Covid a donné un coup d'accélérateur sans précédent au télétravail. Les managers ont pu constater que davantage de flexibilité n'était pas forcément synonyme de perte de rentabilité.

Face à la demande de milliers de collaborateurs, les grandes administrations publiques romandes apportent des réponses pour faciliter le télétravail à l'avenir, une fois la pandémie passée. Les règlements internes sont en pleine mutation.

A l'Etat de Vaud, une nouvelle directive, adoptée par le gouvernement, facilite l'accès au télétravail. "La pandémie a montré que le télétravail était possible", estime Philippe Chaubert, chef du Service du personnel de l'Etat de Vaud.

Un assouplissement

"Je constate un changement de positionnement de la part de mes collègue chefs de services. Ils sont plus ouverts. Plus il y a de personnes qui vont faire du télétravail, plus ça va devenir la norme et être accepté."

Avant le coronavirus, un employé de l'Etat de Vaud devait avoir un pourcentage minimum, être à distance toujours le même jour, il n'y avait pas de différence entre l'horaire à la maison et au bureau. Des règles qui sont tombées avec le nouveau règlement.

Si toutes les grandes administrations romandes cherchent à améliorer les conditions du travail à domicile, certaines sont plus généreuses que d'autres. Le canton de Neuchâtel et la ville de Genève autorisent jusqu'à 40% de télétravail.

Même depuis une résidence secondaire

Vaud et Valais permettent une présence au bureau qu'à mi-temps et peu importe où vous travaillez le reste de la semaine. "Vous pouvez travailler depuis votre chalet ou à la maison, cela nous importe peu. Ce qui est important c'est que les données et l'accès aux données soient sécurisés", explique Gilbert Briand, le responsable des ressources humaines de l'Etat du Valais (dont la nouvelle directive entrera en vigueur le 1er avril).

Une liberté qui n'est pas accordée partout: la ville et le canton de Genève exigent en principe que le travail soit exécuté depuis le domicile ou un espace de coworking. Dans l'ensemble les administrations sont moins souples avec les frontaliers.

Une envie de continuer le télétravail

Le télétravail ne devient pas un droit pour autant, ni une obligation. Il doit être discuté avec la hiérarchie et les tâches faisables à distance. Mais sans surprise, le télétravail a fait des milliers d'adeptes.

Avant la pandémie, ils étaient 220 fonctionnaires à l'Etat de Fribourg à télétravailler. Ils sont désormais 1170 à vouloir continuer une fois la pandémie passée. Ce changement de culture implique un nouvel encadrement.

Comment éviter l'hyperconnectivité des fonctionnaires? Comment permettre aux employés de justifier leurs heures? Les employés vaudois pourront désormais timbrer directement sur le PC.

Un système basé sur la confiance

"Le collaborateur va enregistrer lui-même son temps de télétravail", explique Philippe Chaubert. "Avec les systèmes que nous sommes en train de développer, on enregistrera le moment où on se déconnecte, si on fait une pause ou si on doit aller chercher ses enfants à la crèche. C'est un système qui repose sur la confiance, mais comme c'est le cas au bureau."

Les avantage pour les employés sont connus: meilleure conciliation entre vie familiale et professionnelle, moins de trajets. L'employeur va, lui, pouvoir libérer des mètres carrés et ainsi économiser des loyers.

Un gain de place

Neuchâtel vient d'annoncer la réorganisation de son administration. "Nous allons déplacer des centaines de collaborateurs dans de nouveaux locaux", explique Thierry Gonzalez, chef des ressources humaines du canton de Neuchâtel.

"Grâce au télétravail, mais aussi grâce au travail à temps partiel, nous allons pouvoir réduire le nombre de surfaces louées."

Mais, attention, pas question de forcer les gens à rester à la maison pour gagner de la place. Neuchâtel comme les autres cantons tablent sur une stratégie gagnant-gagnant.

Céline Fontannaz

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Tenir compte du changement

Pour certaines entreprises, le télétravail était une première. Cette obligation a créé de nouveaux modèles avec ses avantages et ses inconvénients. Impossible pourtant de ne pas s'appuyer aujourd'hui sur les acquis développés cette dernière année.

"Il va être compliqué de dire qu'il faut revenir en présentiel 5/5 jours, en refusant toute flexibilité au niveau de l'organisation du travail", estime Caroline Closon, professeur au Centre de recherche de Psychologie du travail et de la Consommation à l'Université Libre de Bruxelles.

L'objectif est de tirer les enseignements de cette période de télétravail. "Il s'agit pour les entreprises de comprendre ce que le télétravail a représenté pour les employés. Et de transformer en nouvelle pratique ce qui a été imposé pendant cette période".

Le vécu des nouveaux télétravailleurs est une richesse, ajoute Caroline Closon. "Une mine d'informations pour peaufiner le télétravail de demain".

Natacha Van Cutsem

André Berdoz: "Socialement, psychiquement, il faut que les gens travaillent ensemble"

Les milieux économiques ont plusieurs fois dénoncé les difficultés d'application de cette mesure sanitaire, notamment l'Union suisse des arts et métiers (Usam), qui est clairement opposée à l'obligation de télétravailler imposée par le Conseil fédéral.

André Berdoz, chef d'entreprises et vice-président de l'Usam, concède toutefois qu'il s'agit bien d'une avancée. "Mais on n'avait pas le choix", déplore-t-il, et "nous, au niveau de l'Usam et des patrons que je côtoie, les obligations et les interdictions, c'est pas franchement notre tasse de thé. On aime bien travailler dans un environnement libre et organiser notre temps de travail comme on l'entend."

Au niveau de l'Usam et des patrons, les obligations et les interdictions, c'est pas franchement notre tasse de thé.

André Berdoz, vice-président de l'Usam

Par ailleurs, il rappelle qu'il préside une faîtière des arts et métiers. "On a besoin de matérialiser. Vous ne pouvez pas construire un bâtiment ou faire du pain en télétravail", argumente-t-il.

Peu de recul sur les conséquences néfastes

En outre, dans les professions pour lesquelles il est possible de télétravailler, André Berdoz estime qu'il n'y a pas encore assez de recul sur les potentielles conséquences néfastes du télétravail généralisé. "Dans une durée limitée, c'est intéressant. Mais dans une PME par exemple, on perd beaucoup de substance. Les collaborateurs y sont polyvalents, et on a besoin de dialoguer, il faut rester connectés, et pas seulement électroniquement", estime-t-il. Et de poursuivre: "on a besoin de se voir, on a besoin d'échanger. C'est aussi comme ça qu'une entreprise garde son efficacité."

Enfin, si l'Usam n'a pas mené d'étude pour présenter des conclusions chiffrées en termes de productivité, son vice-président explique qu'il s'appuie sur des ressentis sur le terrain. Or, "provisoirement on trouve qu'il y a quelques avantages. Mais durablement, socialement et psychiquement, je crois qu'il faut que les gens travaillent ensemble".

>> L'interview complète dans La Matinale :

André Berdoz, vice-président de l’USAM (vidéo)
André Berdoz, vice-président de l’USAM (vidéo) / La Matinale / 9 min. / le 10 mars 2021