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Les soignants suisses vont-ils se faire vacciner en masse contre le Covid?

La vaccination se poursuite dans le monde. [AFP - Andrej Isakovic]
Le personnel soignant va-t-il se faire vacciner en masse contre le Covid-19? / La Matinale / 3 min. / le 16 mars 2021
Malgré des retards dans les livraisons, les campagnes de vaccination ont commencé pour le personnel soignant. Mais comment celui-ci va-t-il accepter le vaccin, alors qu'en moyenne seuls 22% d'entre eux se sont fait vacciner ces cinq dernières années contre la grippe saisonnière?

“Si vous n'êtes pas vaccinés, faites-le rapidement. Il en va de notre sécurité collective”. C'est ce qu'a écrit le ministre français de la Santé, Olivier Véran, dans une lettre diffusée le 5 mars aux soignants.

Qu'en est-il en Suisse, alors que le personnel soignant est en général assez réfractaire aux vaccins, même si cela dépend des hôpitaux, des vaccins, des fonctions occupées et des avis personnels.

Ces 5 dernières années, selon l'Office fédéral de la santé publique, en moyenne seuls 22% du personnel médico-soignant s'est fait vacciner contre la grippe saisonnière.

Le Covid change un peu la donne

Olivier est infirmier responsable d'équipe de soins aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Pas de vaccin contre la grippe pour lui, mais il a décidé de le faire contre le Covid. Il a déjà reçu sa première dose. "Le but est vraiment de protéger d'abord mes proches, moi, mes collègues", explique-t-il. "La proximité avec les patients Covid-positifs est évidemment un argument pour se faire vacciner."

Cette vaccination fait beaucoup parler dans les hôpitaux. "Il y a évidemment ceux qui sont favorables et ceux qui ne le sont pas. Déjà, la population soignante n'est pas forcément favorable à beaucoup de vaccins, mais il n'y a pas vraiment de guerre là-dessus, je pense que chacun respecte le choix de l'autre."

Plus grande adhésion

Les hôpitaux et les organisations contactés par la RTS confirment une adhésion plus importante pour le vaccin anti-Covid que pour le vaccin contre la grippe. L'Hôpital du Valais, par exemple, a sondé le personnel en contact étroit avec les patients Covid, et l'adhésion est d'environ 80% pour cette vaccination contre le Covid.

Une tendance aussi observée par l'Association suisse des infirmières et infirmiers. "La majorité des soignants sont favorables et prêts à se faire vacciner contre le Covid", affirme Carmen Catalioto Cuche, infirmière et co-présidente de la section vaudoise.

"Le personnel soignant a été particulièrement éprouvé pendant cette crise Covid. On ressort vraiment fatigués de cette période, et on se rend bien compte que la seule solution pour sortir de cette impasse est la vaccination", souligne-t-elle.

Pression sociale

D'autres soignantes, qui ont préféré rester anonymes, parlent à la RTS de la pression sociale et professionnelle pour se faire vacciner. Les messages d'encouragement à la vaccination sont partout sur leur lieu de travail.

Théoriquement, la loi sur les épidémies autorise le Conseil fédéral - en concertation avec les cantons -, à rendre la vaccination obligatoire pour certains groupes de population.

Mais l'Office fédéral de la santé publique confirme qu'aucune obligation n'est prévue avec le vaccin contre le Covid. Cela se fait sur base volontaire, y compris pour le personnel médical et soignant.

Des risques de sanction?

Les hôpitaux ont tous des plans de communication: on incite à la vaccination via l'intranet, avec des affiches, ou à travers la hiérarchie.

Par exemple, le CHUV propose des visioconférences consacrées à la vaccination. Et le Réseau hospitalier neuchâtelois a mis en place un système d'ambassadeurs internes: des pairs, des collègues qui informent d'autres collègues.

Y aura-t-il des conséquences pour les soignants et les médecins non-vaccinés? En tout cas, les associations du personnel font en sorte que non. Elles militent pour éviter les pénalités à ceux qui refusent le vaccins, notamment s'ils tombent malades.

Dans plusieurs hôpitaux romands, les soignants ont un pin's ou un autocollant sur leur badge qui montrent qu'ils sont vaccinés contre la grippe traditionnelle. Ce ne devrait pas être le cas pour le vaccin anti-Covid, selon les hôpitaux contactés. Seuls les HUG sont encore en train d'y réfléchir.

Pauline Rappaz

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Les soignants plus exposés?

En novembre dernier, une revue de la littérature scientifique internationale avait conclu à un risque plus élevé d'attraper le coronavirus pour le personnel soignant. Dans les différentes études suisses, c'est moins clair.

Aux HUG, après la première vague, la séroprévalence (la présence d'anticorps qui montrent quel pourcentage des gens ont développé le Covid) était du même ordre chez les professionnels de la santé que dans le reste de la population genevoise. Cependant, cela changeait beaucoup d'un service à l'autre.

"Il semble que cela dépende moins du fait de travailler aux soins intensifs ou ambulatoire, par exemple, que du type de patients dont vous vous occupez. On a l'impression que le personnel soignant qui s'occupe de personnes âgées a un risque plus élevé", affirme Christian Kahlert, responsable du programme de recherche Corona Immunitas pour les cantons de Saint-Gall et des Grisons. Il a notamment étudié la deuxième vague, en Suisse orientale.

>> Ecouter les précisions de Lucia Sillig dans La Matinale :

Une infirmière prépare une dose du vaccin Moderna pour un patient lors de l'ouverture des centres de vaccination contre le Coronavirus (Covid-19) en Valais le mardi 2 février 2021 a Sion. [Keystone - Jean-Christophe Bott]Keystone - Jean-Christophe Bott
Le personnel soignant est-il plus exposé au Covid-19? / La Matinale / 1 min. / le 16 mars 2021

Plus grand risque en travaillant avec les personnes âgées

A Genève, à la fin du printemps, le personnel des soins intensifs était approximativement trois fois moins susceptible d'avoir attrapé le Covid que le reste de la population. Ce qui montre que les mesures de protection ont fonctionné.

En gériatrie et en réadaptation, en revanche, la séroprévalence des soignantes et des soignants était trois fois plus élevée que le reste de la population genevoise.

"Une des hypothèses, c'est que les personnes âgées excrètent davantage de virus, et pendant plus longtemps. L'autre, c'est que les contacts sont plus étroits, parce qu'il y a besoin de plus de soins corporels", explique Christian Kahlert.

L'étude de Suisse orientale indique aussi que le personnel infirmier a été largement plus touché que les médecins.

Lucia Sillig