Cette stratégie repose sur trois principes. Sur le plan bilatéral, la Suisse entend poursuivre une politique indépendante. Elle considère la Chine comme un pays prioritaire et veut défendre ses intérêts et ses valeurs, a souligné vendredi devant la presse le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis.
Sur le plan multilatéral, Berne souhaite poursuivre l'intégration de la Chine dans l'ordre international libéral. "Des défis globaux demandent des solutions globales. Il ne doit pas y avoir de place pour des organisations régionales et des systèmes de valeurs concurrents", a insisté le Tessinois.
La stratégie vise enfin à poser les bases d'une approche "équilibrée, cohérente et coordonnée" envers la Chine. A cet égard, le Conseil fédéral encourage les échanges avec le Parlement, les cantons, les milieux scientifiques, mais également le secteur privé et la société civile.
Respect des droits humains
Interrogé par les journalistes, Ignazio Cassis a souligné que la Suisse va continuer d'évoquer systématiquement la question des droits humains dans tous ses échanges avec la Chine. "Le respect des droits fondamentaux doit faire partie intégrante de nos relations", a-t-il plaidé.
Grâce à cette stratégie, cette question ne sera plus uniquement une prérogative du Département des affaires étrangères, mais doit devenir "un thème transversal", une "boussole" permettant à tous les partenaires suisses de parler d'une même voix.
Dans son rapport, le Conseil fédéral est critique sur la situation des droits de l'Homme en Chine. Selon l'exécutif, les tendances autoritaires se sont accrues ces dernières années, tout comme la répression des dissidents et la persécution des minorités.
Pékin souhaite introduire dans le débat international ses propres idées ainsi que de nouvelles notions, de manière à pouvoir réinterpréter les droits de l’homme selon sa conception.
Le chef de la diplomatie helvétique entend poursuivre le dialogue sur les droits humains entamé il y a plus de 30 ans. L'échange est certes devenu plus difficile ces dernières années, "mais mieux vaut un dialogue difficile que pas de dialogue du tout", a souligné le ministre.
Moderniser l'accord de libre-échange
La stratégie demande également un engagement de la Chine à la maîtrise des armements et pour un espace numérique respectueux du droit international. En matière de durabilité, le Conseil fédéral veut apporter son soutien à la Chine par l'expertise des technologies innovantes contre le changement climatique.
Sur le plan économique, l'exécutif veut moderniser l'accord de libre-échange signé en 2013 avec son troisième partenaire commercial.
Il souhaite notamment améliorer l’accès au marché dans le domaine du trafic de marchandises et pour les prestataires de services suisses, établissements financiers compris, ainsi qu'optimiser les procédures douanières.
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Une analyse approfondie de l'importance pour la Suisse de l'accord sur les investissements conclus entre la Chine et l'UE devrait être menée.
Le contrôle des investissements chinois en Suisse ne fait pas partie de la stratégie. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) devrait toutefois présenter durant le deuxième semestre au Conseil fédéral des mesures visant à mettre en oeuvre une motion adoptée par les Chambres il y a une année pour mieux contrôler les rachats stratégiques d'entreprises suisses par des fonds étrangers.
ats/iar
Réactions mitigées face à la stratégie du Conseil fédéral
La Société pour les peuples menacés (SPM) et la gauche critiquent la stratégie pour la Chine 2021-2024 adoptée vendredi par le Conseil fédéral. Elles exigent des mesures concrètes permettant notamment de concilier économie et droits humains.
Les Verts vont plus loin et accusent le Conseil fédéral de "se rendre complice des crimes d'Etat commis" par le régime chinois. Dans ce contexte, les écologistes ordonnent que la Confédération se joigne aux sanctions qui pourraient être prises par les Etats-Unis et l'Union européenne.
Le camp rose-vert et la SPM demandent également que les produits issus du travail forcé, comme ceux provenant des camps de travail du Xinjiang, soient bannis de tout échange économique et que des garanties relatives aux droits humains soient inscrites dans l'accord de libre-échange.
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À droite, le PLR salue la stratégie élaborée par le Conseil fédéral. Ce document prouve que la coopération, le commerce et le dialogue sont plus fructueux que l'isolement et les sanctions, souligne le parti.
De son côté, l'Union suisse des arts et métiers (USAM) se félicite elle aussi du document. Elle le juge "plus qu'approprié étant donné les relations étroites" entre les deux pays.
Elle regrette toutefois que cette stratégie soit insuffisante sur certains points. Le rapport minimise notamment les défis à relever pour traiter avec la Chine, par exemple dans le domaine géopolitique ou face au "projet d'hégémonie chinoise".
L'organisation faîtière Economiesuisse estime quant à elle que la stratégie du Conseil fédéral tient compte du changement de l'équilibre mondial avec l'ascension de la Chine comme grande puissance.