Sensation ce dimanche à Yverdon-les-Bains. Le camp rose-vert a réussi à placer cinq des siens à la Municipalité, faisant basculer à gauche la deuxième ville du canton de Vaud. Grand perdant, le PLR ne conserve que deux de ses quatre sièges à l'exécutif. Quelques semaines plus tôt, au terme du premier tour, la droite avait déjà perdu sa majorité au Conseil communal, l'organe législatif.
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Cela fait plusieurs dizaines d'années que les libéraux-radicaux souffrent d'une lente érosion de leur force électorale. Au niveau fédéral, ils comptaient 45 sièges sur 200 au Conseil national (22,5%) il y a 25 ans, contre 29 seulement aujurd'hui. Cette évolution se retrouve au niveau cantonal et au niveau communal, mais le PLR avait jusqu'à présent limité la casse dans les villes.
Même si les scores d'antan sont un vieux souvenir, la formation née de la fusion du PRD et du Parti libéral reste la mieux représentée dans les législatifs communaux de Suisse. En 2019, elle monopolisait un quart des sièges. En ne prenant en compte que les villes de moins de 50'000 habitants, la domination du PLR était encore plus nette (26%), les grandes agglomérations du pays étant davantage acquises à la gauche.
Des revers électoraux qui s'accumulent
Ces dix à quinze dernières années, c'est en se maintenant dans les petites villes et les villes de taille moyenne que le "parti de l'économie" avait réussi à stopper l'hémorragie électorale entamée dans les années 1990. Mais depuis le mauvais score réalisé lors des dernières élections fédérales (15,1%, -1,3 point), les troupes de Petra Gössi enchaînent à nouveau les revers dans les scrutins cantonaux et communaux.
Et cette fois-ci, leurs bastions urbains sont aussi touchés, comme le montre l'analyse des résultats des dernières élections dans les 37 villes de Suisse romande, y compris Berne et Bienne (voir le tableau ci-dessous). Le PLR enregistre un recul plus ou moins marqué dans pas moins de 25 communes. Il conserve sa représentation dans sept communes et augmente son nombre d'élus dans cinq villes seulement.
A l'instar des autres sections, le PLR vaudois n'est pas épargné par cette dynamique. Le parti vient de perdre 13% de ses sièges dans les Conseils communaux et même 18% dans les Municipalités. La formation de centre droite insiste sur le fait qu'elle reste la première force politique du canton, mais les six plus grandes villes vaudoises sont désormais clairement ancrées à gauche.
Un parti qui n'a pas le vent en poupe
Pour le politologue Andreas Ladner, la chute du PLR est liée à plusieurs facteurs. "Globalement, le parti est en perte de vitesse et cela se ressent aussi, avec un certain retard, dans les villes petites et moyennes. A cela s'ajoutent l'importance croissante des préoccupations climatiques ainsi que la concurrence des Vert'libéraux, principalement en Suisse alémanique", relève le professeur à l'Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) de l'Université de Lausanne.
Le PLR devra se poser les questions théoriques qui font mal
L'historien Olivier Meuwly, proche du PLR, abonde dans son sens. Pour lui, les libéraux-radicaux ont accumulé un "retard monstrueux" lié aux changements sociologiques de l'électorat urbain et aux défis posés par le changement climatique et les enjeux en matière de mobilité. Le parti, s'il veut reconquérir les villes, n'échappera pas à un examen de conscience, estime-t-il. "Il devra se poser les questions théoriques qui font mal", notamment sur le rôle de l'Etat et la redéfinition du libéralisme.
Les difficultés du PLR sont d'ordre structurel et non conjoncturel
Il est encore trop tôt pour dire si l'avènement des Vert'libéraux aura un impact négatif durable sur la force électorale du PLR, juge encore Olivier Meuwly. "Peut-être que le succès des Vert'libéraux traduit un changement profond de l'électorat de droite, mais c'est peut-être aussi un simple phénomène conjoncturel", note-t-il. Toujours est-il que, selon lui, il s'agit sans conteste d'un "événement perturbateur aggravant".
Des partis historiques en difficulté
A deux ans et demi des prochaines élections fédérales, la situation est sérieuse pour le PLR. D'autant plus que, pour Andreas Ladner, loin d'être conjoncturelles, les difficultés du parti sont bel et bien d'ordre structurel. Si la tendance actuelle se confirme, un nouvel échec à l'automne 2023 pourrait donc donner des ailes aux Verts, qui revendiquent un siège au Conseil fédéral. "La question risque en effet de se poser", souligne Olivier Meuwly.
Reste que le PLR n'est pas le seul parti "historique" à être malmené par les changements sociétaux et la poussée des partis écologistes. Election après élection, le PS perd lui aussi du terrain au profit des Verts. Quant au PDC, renommé Le Centre, il voit sa force électorale fondre inexorablement depuis de longues années. Le changement de nom et la fusion avec le PBD suffiront-ils à renverser la tendance? Rien n'est moins sûr.
Didier Kottelat