"L’espace public, c’est le seul endroit où les jeunes se sentent libres. Rester en famille, ce n’est pas évident. Qui a envie de rester avec les parents regarder une série à 20 heures? C’est forcément mieux de sortir avec les copains", raconte Sergio Gerosa, travailleur social hors murs (TSHM), à Genève.
"Et vu qu’ils n’ont ni les moyens ni la possibilité d’aller ailleurs, ils se retrouvent là, à côté de la maison, dans le préau d’école où ils sont la journée."
Sergio Gerosa et ses collègues TSHM vont à la rencontre des jeunes, les aident parfois pour trouver des petits boulots, leur proposent des activités. Leur travail consiste aussi à améliorer la convivialité dans les quartiers.
Genève, comme d’autres villes romandes, met à disposition depuis plusieurs années des murs où on peut légalement faire des graffitis. Souvent, ces espaces d'expression libre sont un moyen pour les travailleurs sociaux hors murs d'engager la discussion avec les jeunes. "Chaque jour, chaque semaine, il y a de nouveaux dessins. Le tag, c’est marquer le territoire, en ayant une certaine liberté", explique Sergio Gerosa.
Pas d’augmentation significative des incivilités
La plupart des grandes villes romandes, contactées par la RTS, constatent que les jeunes utilisent plus le domaine public en ces temps de pandémie. Parfois également des lieux semi-publics abrités, comme des garages souterrains ou des gares, étant donné que les lieux de fête sont fermés.
Il y a parfois plus de bruit, qui est le fait de toutes les couches de la population, mais il n’y pas d’augmentation significative des incivilités. Il n’y a pas non plus davantage de tags dans l’espace public. La police neuchâteloise par exemple indique qu’il y a eu 160 tags en 2020, contre 169 l’année précédente. Dans le Jura, c’est une dizaine de plus en 2020 par rapport à 2019.
Dans les villes, des personnes sont chargées de nettoyer les tags, le mobilier urbain. A Genève, il y a notamment Francisco Gomes, qui s'exprime ici à titre personnel: "Le fait que certaines jeunes dégradent le mobilier urbain, ce n’est pas sympa pour les propriétaires. Après, il faut leur pardonner un tout petit peu, parce que souvent les perspectives d’avenir ne sont pas merveilleuses, d’autant plus avec la crise sanitaire."
Plus de frustration
La crise sanitaire accentue les frustrations chez certains jeunes, selon les services de la jeunesse contactés. A Fribourg, par exemple, on explique que "ne pas pouvoir disposer de lieux de rassemblement autres que l'école est ressenti comme très compliqué et provoque des réflexes autodestructeurs."
A Bienne, on note "la frustration des jeunes d’être verbalisés par la police alors qu’ils se retrouvent à 16 personnes au lieu de 15."
Rencontré par la RTS, Stefano, 18 ans, pointe une situation qu’il juge absurde: "On a besoin de liberté, on va dans les espaces publics chercher de la liberté, mais au final on ne peut pas faire ci, pas faire ça. On nous demande d’avoir des distances dans les parcs publics, mais dans les transports publics et les écoles, il n’y a pas de distance."
Il raconte que dans les quartiers, les groupes de jeunes sont plutôt formés de 30 ou 40 personnes. "On n’est de toute façon pas agglutinés, on se réunit à cinq ou six."
Pour Stefano, être dans un parc, "ça fait du bien, pour passer du temps, se questionner. L’espace public, ça apporte de l’ambiance totalement positive, et des rencontres."
Pauline Rappaz