Le peuple suisse se prononcera dans deux mois sur deux initiatives antipesticides: "Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse" et "Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique".
Selon Anne Challandes, une interdiction pure et simple des produits phytosanitaires n'est pas la solution.
"L'agriculture veut réduire l'usage des pesticides, on a déjà commencé à le faire il y a dix ans. On souhaite aussi avoir de l'eau propre, des aliments sains pour nos enfants et la population. Mais je suis opposée en particulier à cette première initiative parce qu'elle prévoit une interdiction des substances. Les produits phytosanitaires sont des produits de soin qu'on doit pouvoir en dernier recours utiliser pour sauver une culture par exemple. Oui à une réduction, non à une interdiction", prône-t-elle.
Baisse de la production
La présidente de l'USPF défend en revanche l'initiative parlementaire "Réduire le risque de l'utilisation de pesticides".
"Cet outil va être efficace et rapide. Plutôt que d'accepter une initiative qui va trop loin et qui comporte des risques, il faudrait soutenir cette initiative parlementaire ainsi que les agriculteurs dans leur démarche", explique Anne Challandes.
Pour la Neuchâteloise, qui exploite un domaine bio, l'interdiction des pesticides de synthèse engendrerait une baisse de la production. "On voit dans notre pratique quotidienne d'agriculture bio qu'il y a une perte de production chiffrée entre 40% et 20%. Si l'entier des exploitations agricoles suisses pratiquent ce type d'agriculture, on va avoir une diminution de la production, ce qui va nécessiter une augmentation des importations."
"Une soupe chimique"
Si l'initiative "Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse" est acceptée, l'interdiction devrait être totalement mise en oeuvre dans un délai de dix ans. Pas assez, selon Anne Challandes.
"Dix ans, c'est très court en agriculture. Si on veut par exemple développer de nouvelles variétés résistantes à la maladie ou à la sécheresse, il faut beaucoup plus de temps", assure-t-elle.
La paysanne rappelle enfin que la population vit quotidiennement dans "une soupe chimique", et pas particulièrement dans le domaine de l'agriculture. "Il y a plus de 6000 produits cosmétiques homologués et 14'000 agents colorants. On est entourés de choses chimiques. Puisque l'agriculture fait déjà ses devoirs et a encore la volonté de progresser, laissons-la progresser à son rythme."
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Propos recueillis par David Berger
Texte web: Guillaume Martinez