Plutôt que d’abandonner maintenant l’accord-cadre Suisse-Union européenne (UE), adoptons-le "à l’essai", quitte à en sortir dans dix ans. C’est la proposition faite dimanche par l’Union patronale suisse et son président Valentin Vogt, pour essayer de sauver du naufrage ce traité censé assurer l’avenir de la voie bilatérale. La faîtière cherche ainsi à désamorcer la fameuse clause "guillotine" prévue par l’accord.
Tous les accords menacés
On parle même d’une "super-guillotine": cette clause prévoit que, si la Suisse résilie l’accord-cadre, tous ses accords d’accès au marché européen seraient compromis. C’est ce risque que l’Union patronale veut écarter. Elle demande une période de transition: pendant sept ou dix ans, par exemple, la Suisse pourrait renoncer au cadre institutionnel, sans risquer de tout perdre.
Pour Berne et Bruxelles, ce serait comme des fiançailles, un premier rapprochement avant le mariage, selon Valentin Vogt. Le patron des patrons défend sa proposition dans la NZZ am Sonntag. Si les Européens refusent cette période d’essai, dit-il, cette union sera difficile à vendre aux citoyens suisses.
L'UE tient à sa "guillotine"
L’idée fera-t-elle son chemin? Les sceptiques la mettent plutôt sur le compte de la fébrilité ambiante, dans ce dossier. Les Européens ne semblent pas disposés à renoncer à leur guillotine. Et quand bien même ce serait le cas, cette concession ne suffirait probablement pas, tant s’en faut, à lever toutes les oppositions en Suisse.
Le conseiller national Damien Cottier (PLR/NE), interrogé dans La Matinale, trouve néanmoins l'idée intéressante, "parce qu'elle permet de dire qu'on prend moins de risques à s'engager dans un projet si on sait qu'on peut s'en retirer après quelques années". Et de rappeler que c'est ce qui avait été fait avec les accords bilatéraux I. "Si cet élément pouvait être accepté du côté de l'UE, ce serait une idée assez intéressante, vu l'importance de cet accord et aussi les craintes qu'il suscite en Suisse".
Accord en deux parties
Une autre idée semble émerger: le Conseil fédéral voudrait proposer à l'UE un accord-cadre en deux parties, selon la SonntagsZeitung. Il s'agirait de se concentrer d'abord sur les parties non problématiques de l'accord, et de trouver une sorte de régime transitoire avec l'UE.
Mais quelles sont les chances que l'Union accepte ce "plan B"? Pour Carlo Sommaruga, conseiller aux Etats socialiste genevois et membre de la commission de politique extérieure, interrogé lundi dans La Matinale, tout dépend de ce qui est proposé dans la première partie de l'accord: "L'Union européenne doit avoir comme alternative quelque chose où elle retrouve un avantage".
Aux yeux du socialiste, c'est donc uniquement autour de la libre circulation et probablement sur la question de la réduction du délai d'annonce sur les travailleurs détachés - de huit jours à quatre jours - que l'UE pourrait être amadouée. "Mais reste à voir", nuance Carlo Sommaruga.
Peu de chances
Ce "plan B" a peu de chance de passer, mais il vaut la peine d'être proposé à ce stade des négociations, estime Damien Cottier: "C'est bien qu'il y ait des tentatives de 'deal' entre le Conseil fédéral et la Commission européenne. Mais je suis un peu plus sceptique sur les chances de succès de cette idée de séparer les choses en deux, parce que j'ai l'impression que les deux parties ne voudront pas garder les mêmes choses et que l'accord a été négocié dans un ensemble, qui est perçu comme relativement équilibré par les deux groupes de négociateurs". Damien Cottier juge néanmoins qu'il vaut la peine d'essayer.
Sujets radio: Guillaume Meyer, Anouk Pernet
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz