Dimanche, lors des élections cantonales à Neuchâtel, le Grand Conseil a basculé vers une majorité féminine, un résultat historique encore jamais constaté en Suisse, selon Andrea Pilotti, politologue et responsable de recherche à l'Institut d'études politiques de l'Université de Lausanne. "C'est une première en Suisse dans un parlement cantonal. Cela a déjà été le cas dans deux législatifs à Berne et à Lausanne mais c'était au niveau communal."
Sur les 100 sièges attribués, 58 femmes ont été élues. Le 50e anniversaire du droit de vote des femmes et le fait que le gouvernement neuchâtelois puisse se retrouver sans femmes ont certainement joué un rôle, estime le politologue. Reste que ce résultat fait du canton de Neuchâtel un pionnier dans le pays. Jusqu'ici, le parlement avec le pourcentage de femmes le plus élevé en Suisse était celui de Bâle-Ville, avec 42% de députées élues en 2020.
Travail de recrutement des partis
Ce très bon bilan des femmes montre que "Neuchâtel reste un canton pionnier et que le rôle des partis est fondamental pour faire élire des femmes, sans passer forcément par des quotas qui divisent l'opinion publique", explique Andrea Pilotti. Ce fut le cas à Neuchâtel, où les partis ont réalisé un travail de recrutement et de terrain. Ils ont aussi fait campagne pour valoriser les femmes afin qu'elle ne servent pas d'alibi.
En Suisse romande, tous les cantons ne sont pas aussi exemplaires que Neuchâtel en matière de parité, et ce malgré la vague violette de 2019. Tour d'horizon de la proportion de femmes dans les autres parlements romands, sur la base des derniers chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS) et selon les résultats de début de législature.
Les cantons de Berne et du Valais bien placés
Dans le canton de Berne, le Grand Conseil compte 35,6% de femmes dans ses rangs. Sur 160 députés, 57 sont des femmes. Jusqu'ici premier du classement en Suisse romande en matière de représentation féminine dans les parlements, le canton de Berne est désormais deuxième du podium, loin derrière Neuchâtel.
En Valais, le législatif est constitué de 45 députées, sur un total de 130 élus. Lors des dernières élections en mars, la proportion de femmes au Grand Conseil est passée à 34,6%, contre 19,2% en 2017. Ce résultat historique a propulsé le canton parmi les meilleurs élèves de Suisse en matière de parité au sein des parlements.
Le Jura dernier de la classe en Suisse romande
Dans le canton de Vaud, le législatif est composé à 32% de femmes depuis les élections de 2017. Quarante-huit femmes pour 102 hommes siègent au Grand Conseil. A Genève, au Grand Conseil, renouvelé pour la dernière fois en 2018, 32 femmes siègent au côté de 68 hommes. Cela représente 32% de députées.
Le parlement du canton de Fribourg est quant à lui à majorité clairement masculine. Lors des dernières élections en 2016, 32 femmes ont été élues, contre 78 hommes, la proportion de femmes au Grand Conseil atteignant 29%. Les prochaines élections auront lieu en novembre prochain. Le Parlement du Jura fait figure de dernier de classe, avec une proportion de 25% de femmes parlementaires. On ne compte que 15 femmes parmi les 60 députés élus en 2020.
La féminisation reprend de la vigueur
Avec plus d’un tiers de femmes, le Grand Conseil neuchâtelois actuel, issu des élections de 2017, était déjà l’un des dix Parlements les plus féminins du pays. La vague violette qui a submergé le scrutin de dimanche illustre toutefois la reprise de la féminisation des instances politiques ces dernières années, en particulier depuis la grève des femmes du 14 juin 2019.
Après une forte progression dans les années 1990, la part des femmes dans les législatifs cantonaux était passée d’environ 15% en 1991 à près de 25%. Mais le tournant du siècle a vu la marche vers la parité hommes/femmes s’arrêter brusquement, la représentation féminine stagnant durant plus de quinze ans. Ce n’est que récemment que la courbe a repris l’ascenseur.
Une parité encore lointaine
Mais l’objectif d’une représentation égalitaire est encore fort éloigné. La moitié des cantons suisses comptent toujours moins de 30% de femmes au Parlement (voir le tableau ci-dessous). Pour différentes raisons, ce sont surtout les partis de droite qui peinent à faire élire des femmes. Trois députés PLR sur quatre restent ainsi des hommes. A L'UDC, les élus sont même six foix plus nombreux que les élues.
Le Centre (ex-PDC) s'en sort à peine mieux que les libéraux-radicaux, tandis que les Vert'libéraux dépassent la moyenne suisse avec près de 40% de représentantes. Les Verts et le Parti socialiste, quant à eux, ont déjà atteint la parité et pourraient même bientôt, si la tendance se poursuit, compter davantage d’élues que d’élus. C'est d'ailleurs déjà le cas à Neuchâtel.
Isabel Ares et Didier Kottelat avec ats
La situation au niveau fédéral
A l'échelle nationale, les femmes représentent 31,8% des effectifs des parlements cantonaux, avec 824 députées pour 1770 députés. Concernant les instances fédérales, selon les données de l'OFS, 42,9% de femmes sont représentées au Conseil fédéral (3 femmes et 4 hommes) et 39% à l'Assemblée fédérale (96 femmes et 150 hommes).
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On note toutefois une importante différence entre les deux Chambres fédérales: la proportion de femmes au Conseil national atteint 42% (84 femmes et 116 hommes), alors qu'elle dépasse à peine 26% au Conseil des Etats (12 femmes et 34 hommes).
Une vague violette qui pourrait peser politiquement à Neuchâtel
Bien que l’appartenance partisane prime sur le genre, les 58 femmes du parlement neuchâtelois pourraient malgré tout trouver des convergences sur certains enjeux. Les femmes ont progressé à gauche, comme au PS par exemple, où elles seront 15 sur 21 élus. Même cas de figure chez les Verts, avec 15 élues sur 19. Mais le phénomène se constate à droite également, par exemple chez les Vert'libéraux où elles sont 6 élues sur 8.
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La majorité de femmes au Grand Conseil pourrait avoir une influence sur certains votes. "L'appartenance partisane prime mais il pourrait y avoir une convergence sur certains enjeux, comme le marché du travail où les femmes restent discriminées, ou encore les mesures en faveur des familles, où les sensibilités pourraient aller au-delà des barrières partisanes", déclare Andrea Pilotti, politologue et responsable de recherche à l'Institut d'études politiques de l'Université de Lausanne.
Les Vert'libéraux (8 députés) et le Centre (4 députés) vont jouer un rôle décisif de pivot sur certains objets, notamment écologiques, vu la faible majorité de droite (52 sièges sur 100). "Il pourrait y avoir des avancées sur le plan écologique", estime le spécialiste, en ajoutant qu'il y aura "un jeu d'alliances intéressant".