L'échantillon avec le mutant indien du virus date de la fin mars. Il provient du canton de Soleure et a été séquencé par l'EPFZ à Bâle, a expliqué l'OFSP à Keystone-ATS.
Invité de Forum samedi, Laurent Kaiser, chef du service des maladies infectieuses et responsable du laboratoire de virologie aux Hôpitaux universitaires de Genève, estime qu'il y a de quoi s'inquiéter mais souligne également les incertitudes et les informations limitées qu'on possède sur ce variant:
"Il est vrai que si on a un virus qui se transmet un petit peu plus et qui échappe peut-être à l'immunité, cela ne fait qu'aggraver les choses. Mais là, on a beaucoup d'incertitudes, on doit travailler avec des informations fragmentaires concernant ce variant", a-t-il iindiqué dans l'émission Forum.
"On ne s'attend pas forcément à ce qu'il soit plus contagieux, par contre, il possède deux mutations, dont une en particulier, déjà présente sur les variants brésiliens ou sud-africains, qui permet d'échapper partiellement à l'immunité. C'est donc un variant qui nous fait lever les drapeaux rouges en disant: attention, ce n'est pas un virus innocent. Et ce bien qu'on ait pas encore assez d'éléments pour l'affirme", a-t-il précisé.
Sur la liste du SEM
L'ajout de l'Inde sur la liste des pays à risque est en cours de consultation. La raison est la propagation rapide du variant dans ce pays, a ajouté l'OFSP. L'Inde figure déjà sur la liste de Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM): seuls les citoyens suisses ou les personnes en possession d'un permis de séjour peuvent entrer en Suisse en provenance de ce pays.
Le variant indien suscite l'inquiétude: en Europe, il a déjà été détecté notamment en Grande-Bretagne et en Belgique. Dans ce pays, 21 étudiants indiens arrivés mi-avril via l'aéroport parisien de Roissy ont été testés positifs à ce variant et placés en quarantaine.
Selon plusieurs experts, ils auraient été victimes d'un "super contaminateur", peut-être au sein même de leur groupe, lors du trajet en bus qui les a amenés de la région parisienne en Belgique.
>> Lire : Variant indien et flambée des cas à New Delhi, l'épidémie est hors de contrôle
Le Koweït a annoncé samedi la suspension des vols commerciaux directs en direction et en provenance d'Inde, et l'Iran a interdit l'entrée des passagers venant de ce pays.
Le Canada a décidé jeudi de suspendre pendant 30 jours les vols en provenance de l'Inde et du Pakistan. Les vols de fret ne sont pas concernés.
Le Royaume-Uni a restreint lundi déjà les vols en provenance de ce pays à ses seuls résidents, après la confirmation de 103 cas de variant indien sur son territoire. La France a ajouté mercredi l'Inde à la liste de pays dont les voyageurs sont soumis à une quarantaine obligatoire.
Situation critique à cause du manque d'oxygène
L'Inde s'est enfoncée vendredi dans une crise sanitaire majeure, ses hôpitaux submergés appelant à l'aide face à une explosion de l'épidémie de Covid-19.
A New Delhi, confinée jusqu'à lundi, des hôpitaux manquant d'oxygène lancent des appels quotidiens au gouvernement indien pour qu'il fournisse d'urgence des réserves afin d'alimenter des centaines de patients placés sous respirateur.
"Vingt-cinq patients sont morts au cours des dernières 24 heures. Plus que deux heures d'oxygène (...) Une crise majeure est probable. La vie de 60 autres patients est en danger, une intervention urgente est nécessaire", a averti le directeur médical de l'hôpital Sir Gangaram de New Delhi.
Après la mort de 22 malades dans un hôpital, en raison d'une coupure d'alimentation en oxygène, treize autres sont décédés vendredi dans l'incendie d'un hôpital de la banlieue de Bombay, la capitale économique de l'Inde.
Record de contaminations
Le pays de 1,3 milliard d'habitants, au système de santé vétuste, a enregistré en 24 heures un nouveau record de contaminations, avec 330'000 cas et 2000 décès.
Près de 3,5 millions de contaminations ont été recensées en Inde depuis début avril, notamment imputées à une "double mutation" du virus et à des événements de masse, comme la fête religieuse hindoue Khumb Mela qui a rassemblé des millions de pélerins.
Si la flambée enregistrée cette semaine en Asie est liée principalement à la situation en Inde, le Népal a aussi connu une progression fulgurante de l'épidémie (+242%), avec 1400 nouveaux cas quotidiens.
ats/jfe
Variant indien: beaucoup d'inconnues
Après le variant "brésilien" du coronavirus, le variant "indien" suscite à son tour l'inquiétude, au vu de ses caractéristiques et de la rapide dégradation de la situation sanitaire en Inde, mais rien ne prouve pour l'instant qu'il soit plus contagieux ou qu'il rende les vaccins moins efficaces.
Ce variant, appelé par le nom de sa lignée, B.1.617, a été détecté dans l'ouest de l'Inde en octobre. Il est qualifié de "double mutant" parce qu'il est notamment porteur de deux mutations préoccupantes au niveau de la protéine de pointe ("spike") du virus Sars-CoV-2.
La première, E484Q, est proche de celle déjà observée sur les variants sud-africain et brésilien (E484K), soupçonnée d'entraîner une moindre efficacité de la vaccination et un risque accru de réinfection. La seconde, L452R, est également présente dans un variant repéré en Californie, et pourrait être capable d'entraîner une augmentation de la transmission. C'est la première fois qu'on les repère ensemble sur un variant ayant une diffusion importante.
Plus résistant et contagieux?
Ces caractéristiques font craindre qu'il soit plus "résistant" face aux vaccins actuels contre le Covid-19, développés pour reconnaître la protéine spike des souches précédentes du coronavirus. Mais cela n'est pas prouvé pour le moment.
L'autre inquiétude est qu'il s'agisse d'un variant plus contagieux, qui facilite donc une augmentation du nombre de contaminations, à l'heure où de nombreux pays tentent de juguler une deuxième ou une troisième vague de l'épidémie. Mais la plus grande contagiosité de ce variant n'est pas établie scientifiquement.
D'autant que, plusieurs mois après sa découverte, ce variant est loin de s'imposer par rapport aux autres, notamment le variant britannique. Même dans l'Etat où il a émergé (Maharastra), il ne représentait courant mars que 15% à 20% des échantillons séquencés, selon le ministère de la santé Indien. Et il est encore plus minoritaire dans le reste du pays.