Datée du 28 avril, la missive, que s'est procurée l'émission 10 vor 10 de la télévision alémanique SRF, est adressée à la coprésidence du PS ainsi qu'au chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales, le Vaudois Roger Nordmann. Les auteurs de cette lettre prennent le contrepied de l'aile syndicale du parti, d'où proviennent les critiques plus virulentes. Pour celle-ci, l'accord-cadre avec l'Union européenne (UE) menace la protection des salaires en Suisse.
Au contraire, "l'accord institutionnel garantit la protection des salaires et permet surtout à celle-ci d'être mieux assurée à moyen et à long terme", argumentent pour leur part les signataires, qui craignent également les conséquences d'une mise à l'écart de la Suisse au niveau européen. Parmi eux figurent l'ex-conseiller fédéral Moritz Leuenberger, les anciens directeurs de La Poste Ulrich Gygi et des CFF Benedikt Weibel ainsi que plusieurs conseillers d'Etat en exercice ou à la retraite.
Pas de "division" mais des "nuances"
Les auteurs de la lettre, qui se réclament de l'héritage social-démocrate et pro-européen du Parti socialiste, lancent donc un appel en faveur d'"un débat engagé, animé et respectueux au sein du parti et avec la population" sur le sujet. "Il serait incompréhensible que le PS n'aborde pas cette question centrale et enterre l'accord institutionnel aux côtés de l'UDC, en huis clos au sein du Conseil fédéral ou dans les commissions parlementaires".
Interrogé par la RTS, Roger Nordmann réfute toute division dans les rangs socialistes. Tout au plus le chef du groupe PS sous la Coupole fédérale concède-t-il des "nuances" entre les différentes sensibilités de ses membres. "Nous sommes un parti large, qui discute. Mais nous sommes tous d'accord pour dire qu'un accord qui ne garantirait pas la protection des salaires n'a aucune chance en votation populaire", relève le conseiller national.
Une stratégie de déblocage
"Cette lettre, néanmoins, traduit une certaine inquiétude parce que la situation est bloquée", reconnaît le Vaudois. Pour débloquer le dossier européen, le coprésident du PS Cédric Wermuth a justement fait une proposition dans une interview publiée ce mercredi par les journaux de Tamedia. Il suggère de lâcher du lest sur la citoyenneté de l'UE - l'un des trois points de litige avec Bruxelles - tout en restant ferme sur les mesures d'accompagnement.
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"La Suisse ferait des concessions sur la citoyenneté de l'UE pour bien traiter les Européens en Suisse s'ils perdent leur travail, en matière de chômage et d'aide sociale. Inversement, Bruxelles fait un pas pour accepter les mesures de protection des salaires pour lutter contre le dumping salarial", explique Roger Nordmann, pour qui cette stratégie est la seule qui permette de trouver une majorité favorable à l'accord-cadre au Parlement et devant le peuple.
Nathalie Christen, Rouven Gueissaz et Didier Kottelat