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Le Conseil national accepte de faciliter le don d'organe

Les règles pour le don d'organes en Suisse pourraient changer. Tout donneur potentiel serait présumé consentant.
Les règles pour le don d'organes en Suisse pourraient changer. Tout donneur potentiel serait présumé consentant. / 19h30 / 2 min. / le 5 mai 2021
Le don d'organes devrait être facilité en Suisse. Le Conseil national a approuvé mercredi de justesse, par 88 voix contre 87, une initiative pour faciliter le don d'organes en Suisse. Il a aussi validé, par 150 voix contre 34, un contre-projet du Conseil fédéral.

La question sensible du don d'organes a largement fait débat. La notion de consentement a divisé les députés au-delà de leur couleur politique.

L'initiative populaire "Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes" veut que toute personne majeure soit considérée comme un donneur potentiel, sauf si elle s'y est opposée de son vivant. Actuellement, c'est le contraire qui prévaut: le don d'organes est envisagé si la personne décédée y a consenti avant sa mort.

Le contre-projet indirect du Conseil fédéral envisage ce consentement présumé dans un sens plus large en prévoyant l'implication des proches dans la décision. En l'absence de document attestant de la volonté de la personne décédée, ils pourront s'opposer au prélèvement si cela respecte la volonté présumée du défunt, a expliqué Philippe Nantermod (PLR/VS) au nom de la commission.

Pénurie de dons d'organes en Suisse

Ces deux projets découlent d'un constat: la Suisse connaît une pénurie de dons d'organes. Une cinquantaine de personnes, des enfants pour la plupart, meurent chaque année faute d'organes à disposition, a donné en exemple le Valaisan.

Et la situation ne devrait pas s'améliorer. Swisstransplant prévoit une augmentation de 50% du taux de mortalité.

Soulager les proches

Si l'ensemble des députés veut favoriser le don d'organes, les avis ont divergé sur la procédure. Pour la gauche, le PLR et les Vert'libéraux, le consentement présumé du donneur est essentiel.

Ce système permettrait de soulager les proches de la lourde responsabilité de décider, a déclaré Pierre-Yves Maillard (PS/VD). Alors qu'environ 80% de la population se disent en faveur du don d'organes, très peu s'inscrivent comme donneurs. Et les proches renoncent majoritairement à valider un tel acte parce qu'ils ne savent pas ce qu'aurait voulu le défunt.

Le consentement présumé permettra d'augmenter le nombre de dons, qui reste faible par rapport à l'Europe où cette procédure est déjà largement appliquée, a précisé Christophe Clivaz (Verts/VS).

La marge de manoeuvre de la population reste large, a abondé Isabelle Moret (PLR/VD). Les personnes peuvent toujours, de leur vivant, choisir de refuser ou de ne pas se décider sur le don d'organes. Elles peuvent aussi confier cette décision à un individu tiers.

>> Voir aussi le reportage du 12h45 :

Le Conseil National se penche sur l'avenir du don d'organes. La notion du consentement est au coeur des débats
Le Conseil National se penche sur l'avenir du don d'organes. La notion du consentement est au coeur des débats / 12h45 / 2 min. / le 5 mai 2021

Pas de déclaration

Une partie de l'UDC et du Centre s'est elle opposée au concept de consentement présumé, jugé non éthique. Il restreint trop l'autodétermination des personnes concernées. "L'absence d'objection ne peut pas être assimilée à un consentement", a martelé Céline Amaudruz (UDC/GE). De plus, il n'est pas clairement prouvé qu'un tel système permet une augmentation du don d'organes, a abondé Marianne Streiff (Centre/BE). En vain.

Le National a refusé l'alternative de l'UDC privilégiant le consentement direct au moyen d'un système de déclaration. La population serait, dans ce cas, régulièrement appelée à s'exprimer sur le don d'organes. Une telle mesure serait trop coûteuse et pourrait devenir lassante pour les Suisses, a indiqué Philippe Nantermod (PLR/VS).

>> La réaction d'Yves Nidegger (UDC/GE) dans La Matinale :

Yves Nidegger (UDC/GE). [Keystone - Anthony Anex]Keystone - Anthony Anex
Dons d'organes, réaction d'Yves Nidegger / La Matinale / 1 min. / le 6 mai 2021

Garde-fous

Le contre-projet contient plusieurs garde-fous qui permettent d'éviter toute dérive, a de son côté avancé le ministre de la santé Alain Berset. L'implication des proches et la possibilité d'exprimer son refus dans un registre comptent parmi les mesures prévues en ce sens.

Il n'est également pas envisagable de prélever les organes si les proches d'un défunt n'ont pas pu être joints au préalable. Les libéraux et une partie de la gauche souhaitaient rendre cet acte possible dans un souci de cohérence avec la notion de consentement présumé.

Au contraire, cela amènerait de la confusion pour les rares cas concernés, a expliqué Alain Berset. Les députés ont rejeté ce point par 92 voix contre 87.

Pas question non plus d'indiquer sa position vis-à-vis du don d'organes sur des documents d'identité, ni de sensibiliser sur ce thème lors des contacts administratifs avec les autorités. La Chambre du peuple n'a pas suivi le PLR sur ces points.

Le dossier passe au Conseil des Etats.

1'500 personnes dans l'attente d'un organe en Suisse

À la fin du premier trimestre 2021, 1479 personnes attendaient encore un ou plusieurs organes en Suisse. Guy Daniel Baillie est l'un de ces patients. Victime d'un arrêt cardiaque en juillet 2019, il survit grâce à une pompe ventriculaire, attachée à une batterie qu'il doit porter sur le dos. Il témoigne de son parcours devant les caméras du 19h30.

>>  Voir le reportage du 19h30:

1'500 personnes dans l'attente d'un organe en Suisse. Témoignages.
1'500 personnes dans l'attente d'un organe en Suisse. Témoignages. / 19h30 / 2 min. / le 5 mai 2021

ats/aq

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La commission d'éthique opposée au consentement présumé

De son côté, la commission fédérale d'éthique s'oppose à l'initiative et au contre-projet qui tous deux envisagent un consentement présumé. "C'est une forme d'attaque à l'autonomie de décision", a déclaré Christine Clavien, philosophe des sciences et de la morale et membre de cette commission, qui était l'invitée de La Matinale mercredi. "Avec le risque de prendre des organes à des personnes qui ne l'auraient pas souhaité mais qui n'ont pas pris la peine de l'exprimer de leur vivant." Et cela n'est pas acceptable pour la commission qui estime que chacune et chacun doit rester maître de son corps.

Et même si le consentement présumé a permis d'augmenter le nombre de transplantations lorsqu'il a été mis en place, comme en Espagne (voir encadré ci-dessous), la commission d'éthique préférerait un modèle qui obligerait les citoyennes et citoyens à se prononcer à certains moments-clés de leur existence afin d'augmenter les informations à disposition des familles qui devront faire ce choix difficile. Une proposition qui n'a pas été retenue dans les discussions parlementaires.

>> L'interview de Christine Clavien dans la Matinale :

La philosophe Christine Clavien évoque le don d’organes en Suisse (vidéo)
La philosophe Christine Clavien évoque le don d’organes en Suisse (vidéo) / L'invité-e d'actualité / 6 min. / le 5 mai 2021

L'Espagne, championne européenne des dons d'organe

L'Espagne fait depuis 25 ans figure d'exemple dans le don d'organe. C'est le pays qui présente le pourcentage de donneuses et donneurs d’organes le plus élevé au monde.

De tels résultats s'expliquent par un système bien rôdé. Selon la loi espagnole, si une personne décédée n'a pas manifesté de volonté contraire durant son vivant, elle est présumée donneuse d'organes. Le désir de la famille reste néanmoins toujours respecté.

Le pays s'appuie sur un système pensé pour identifier pratiquement toutes les opportunités de dons d'organes à travers un vaste réseau de coordinateurs de greffes présents dans de nombreux hôpitaux.

Ces unités sont coordonnées par des médecins spécialistes des urgences, capables de repérer rapidement les donneuses et donneurs. D'autres membres du corps médical sont aussi formés pour parler aux familles dans des moments difficiles, mais cruciaux pour les convaincre de permettre des transplantations. Et au final, peu de familles refusent de le faire.

>> Ecouter le sujet de la Matinale :

Le don d'organe. [Fotolia - Alexander Raths]Fotolia - Alexander Raths
L'Espagne, pays modèle en matière de don d'organes / La Matinale / 1 min. / le 5 mai 2021