Deux petits oui aux initiatives sur les pesticides et un soutien à la loi sur le CO2, selon un sondage SSR
A cinq semaines de la votation, l'initiative pour une eau potable propre et celle contre les pesticides de synthèse possèdent une longueur d'avance. Ces textes, qui s'attaquent tous deux aux pesticides mais avec des mécanismes bien différents, recueillent respectivement 54% et 55% d'avis favorables, contre 40% et 42% d'avis défavorables. Peu de votants font la distinction entre les deux textes, plus de huit sondés sur dix votant de la même manière aux deux objets.
Instrument majeur de la politique climatique de la Suisse, la révision de la loi sur le CO2 est pour l'heure créditée de 60% d'intentions de vote positives, contre 35% d'opinions négatives. La loi Covid, qui fixe les compétences de l'Etat face à la pandémie, est plébiscitée par 67% des sondés (27% de non), tout comme la loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, rejetée, elle, par 24% des personnes interrogées.
Polarisation politique sur les pesticides
En toute logique, les deux initiatives anti-pesticides font un carton chez les sympathisants des Verts, avec plus de 95% d'approbation. Quatre électeurs socialistes sur cinq sont aussi convaincus. Les Vert'libéraux se rangent également du côté du double oui. Les opposants sont quant à eux largement majoritaires au sein de l'électorat de l'UDC, du Centre et du PLR. Cette polarisation partisane est quasi identique pour les deux objets.
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L'un des seuls écarts significatifs se retrouve chez les Vert'libéraux, qui préfèrent clairement l'initiative pour une eau potable propre à l'autre initiative. La consigne de vote du parti - oui au premier texte, liberté de vote pour le second - explique sans doute cette différence. Logique inverse chez les sans-parti, majoritairement favorables à l'initiative contre les pesticides de synthèse, mais très partagés sur l'autre texte.
Clivage en vue entre villes et campagnes
La grande majorité du monde paysan est opposée aux deux initiatives anti-pesticides, les jugeant nuisibles pour l'approvisionnement alimentaire de la Suisse et pour le porte-monnaie des consommateurs. Sans surprise, les zones rurales sont ainsi majoritairement défavorables aux deux textes (53% et 58% de non). A l'inverse, plus de 50% des citadines et citadins y sont favorables. La part du oui est particulièrement importante dans les grandes agglomérations (65% et 66% de oui).
La répartition par âge des intentions de vote est plus étonnante. On pourrait penser que les jeunes sont davantage enclins que leurs aînés à lutter contre les pesticides. Or, la moitié des sondés de 18 à 39 ans, voire un peu plus, rejettent les deux initiatives. A l'inverse, ces sont les seniors qui mènent la résistance aux fongicides, herbicides, insecticides et autres biocides.
Champions de l'éradication des pesticides, les Tessinois sont 70% à soutenir le texte pour une eau potable propre. Près de deux tiers d'entre eux comptent aussi voter en faveur de l'initiative contre les pesticides de synthèse. Le oui l'emporte dans toutes les régions linguistiques, mais c'est en Suisse alémanique que l'opposition est la plus importante, avec respectivement 42% et 43% de non.
La loi sur le CO2 bien partie
Adoptée en septembre 2020 par le Parlement après de multiples rebondissements, la révision de la loi sur le CO2 est le principal instrument législatif de la Suisse pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat. L'objectif est de réduire d'ici 2030 nos émissions de CO2 de 50% par rapport à 1990, via notamment des incitations financières. La loi a été attaquée en référendum par un comité issu de l'économie, soutenu par l'UDC, qui la juge "coûteuse et inefficace".
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Les partisans de l'UDC sont les seuls à refuser majoritairement le projet (64% de non, 32% de oui). Les électeurs libéraux-radicaux ne sont pas non plus très enthousiastes à l'idée d'introduire une taxe sur les billets d'avion ou de voir le prix de l'essence augmenter: 48% envisagent de voter oui, tandis que 47% penchent vers le non. Au Parlement, le PLR avait longtemps traîné les pieds avant d'opérer un virage vert quelques mois avant les élections fédérales de 2019.
L'atmosphère est totalement différente à gauche et chez les Vert'libéraux. Le oui dépasse les 80% au sein de l'électorat socialiste et vert'libéral. Il atteint même 96% chez les sympathisants des Verts. A ce titre, la fronde anti-loi sur le CO2 des jeunes grévistes du climat semble faire un flop. Du côté du Centre, le temps est aussi au beau fixe pour le projet avec 59% d'intentions de vote favorables contre 35% d'avis défavorables.
Romands convaincus, Tessinois plus sceptiques
Les Romandes et Romands sont les plus chauds défenseurs de la loi sur le CO2. Deux tiers d'entre eux soutiennent le texte, contre 59% des Suisses alémaniques. C'est au Tessin que le climat semble le moins favorable à la réforme: 54% des italophones comptent glisser un oui dans l'urne tandis que 43% envisagent de voter non.
Le projet convainc davantage les femmes que les hommes. De même, les habitants des grandes agglomérations sont nettement plus favorables que ceux des petites et moyennes agglomérations ou des zones rurales. Au niveau de l'âge, les plus fervents soutiens de la loi sont les seniors (65% de oui), suivis de près par les 18-39 ans (62% de oui). L'approbation est légèrement moins forte chez les sondés de 40 à 64 ans (56% de oui).
Large soutien pour la loi Covid
Depuis le début de la pandémie de coronavirus au printemps 2020, le Conseil fédéral a pris toute une série de décisions par voie d'ordonnance. La loi Covid, votée par le Parlement en automne dernier puis modifiée plusieurs fois depuis lors, vise à donner une base légale à ces mesures, et notamment les quelque 30 milliards d'aides financières accordées par les autorités aux particuliers et aux entreprises touchées par la crise.
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Le texte est attaqué par référendum par plusieurs comités citoyens qui le jugent "liberticide", "anxiogène" et "inutile". Tous les grands partis font front commun pour défendre la loi, sauf l'UDC qui laisse la liberté de vote. Les sympathisants de ce parti sont d'ailleurs les seuls à s'y opposer majoritairement (53% de non, 43% de oui). Le oui est nettement dominant dans l'électorat des autres formations, allant de 71% chez les Verts à 91% au PS.
L'importance de l'âge et de la confiance envers les autorités
L'opposition à la loi Covid est à peine plus vive en Suisse alémanique (29% de non) qu'en Suisse romande (24% de non) ou au Tessin (19% de non). Davantage que la langue, l'âge est un critère déterminant, les jeunes étant nettement moins convaincus que leurs aînés. Le soutien est particulièrement marqué chez les seniors. Les plus de 65 ans sont quatre sur cinq à approuver la loi.
La confiance dans le gouvernement semble également être un critère majeur dans la décision d'approuver ou non la loi Covid. Ceux qui font confiance au Conseil fédéral sont 80% à voter oui (contre 15% de non). A l'opposé, près de 60% de ceux qui font preuve de méfiance vis-à-vis des autorités veulent mettre un terme à cette loi en vigueur depuis plusieurs mois.
La gauche peine à convaincre sur le terrorisme
La loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme est défendue par deux tiers de la population, selon le sondage. Le soutien est extrêmement élevé à droite et au centre, avec un taux d'approbation culminant à 82% chez les sympathisants du PLR et du Centre et atteignant 75% à l'UDC. Même la gauche et les Vert'libéraux, qui militent pourtant contre ce texte, ne réussissent pas à convaincre leurs électeurs.
Les critiques contre les mesures prévues par cette loi - en particulier la possibilité d'assigner à résidence des personnes dès l'âge de 15 ans - ne trouvent un écho dans l'opinion dans aucune région linguistique ni aucune classe d'âge. Tout au plus les jeunes sont-ils un peu plus réceptifs aux arguments des défenseurs des droits de l'homme. Mais 58% d'entre eux restent favorables à ce durcissement de l'arsenal législatif antiterroriste.
Didier Kottelat
Deux initiatives anti-pesticides bien distinctes
L'initiative pour une eau potable propre veut conditionner l'octroi aux agriculteurs de paiements directs à un respect de mesures environnementales plus strictes. Elle exige que seuls les agriculteurs qui n'utilisent pas régulièrement d'antibiotiques à des fins prophylactiques, n'utilisent pas de pesticides et qui sont en mesure de nourrir leur bétail avec le fourrage produit dans leur exploitation puissent obtenir des paiements directs.
L'initiative contre les pesticides de synthèse veut quant à elle interdire toute utilisation de pesticides de synthèse en Suisse, que ce soit dans la production agricole, la transformation des produits agricoles ou l'entretien du territoire. De plus, l'importation de denrées alimentaires qui en contiennent ou dont la production a nécessité leur utilisation serait également interdite. Une période transitoire de dix ans est prévue avant l'entrée en force du texte.
Le monde paysan se montre plutôt opposé aux deux initiatives phytosanitaires. Aucune association agricole ne soutient l'initiative pour une eau potable propre. En revanche, Demeter, Bio Suisse et l'Association des petits paysans (VKMB) approuvent l'initiative "Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse", tandis qu'Uniterre laisse la liberté de vote à ses membres.
Au niveau politique, les partis prônent en général soit le double non (à droite et au centre), soit le double oui (à gauche). Seule exception: le Parti vert'libéral, suivi par quelques membres du PLR, qui rejette l'initiative contre les pesticides de synthèse, mais défend l'autre texte. Selon eux, cette initiative est plus conforme à leurs principes car elle mise sur des incitations plutôt que des interdictions.
Méthode
Première vague de l'enquête de tendance SRG-SSR sur les référendums du 13 juin 2021 par l'institut de recherche gfs.bern. Réalisé entre le 19 avril et le 3 mai 2021 auprès de 22'732 votants (par téléphone et en ligne). La plage d'erreur statistique est de +/- 2,8 points de pourcentage.