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Quarantaines injustifiées ou épargnées, la liste suisse des "pays à risque" défaillante

Les quarantaines au retour de pays à risque pourraient être raccourcies en Suisse. [Keystone - Ennio Leanza]
La liste des pays à risque de l'OFSP, un outil incohérent et peu représentatif / Le 12h30 / 2 min. / le 12 mai 2021
Une analyse de la RTS révèle que la liste suisse des pays à risque n'est pas adaptée à la situation sanitaire internationale. Les délais d'application y maintiennent injustement inscrits des pays, alors que des régions où sévit plus fortement l'épidémie y échappent.

Depuis fin octobre, Berne considère comme "présentant un risque élevé d'infection au coronavirus" tout Etat dont l'incidence de nouveaux cas sur 14 jours dépasse de 60 celle de la Suisse. Les voyageurs de retour de ces régions se voient imposer une quarantaine.

Mais les délais d'analyse et d'implémentation par les autorités faussent le résultat final et rendent l'outil peu représentatif. Résultat: des pays en crise sanitaire échappent à la liste durant des semaines, alors que d'autres Etats y sont injustement maintenus, bien que l'épidémie y soit mieux maîtrisée qu'en Suisse. Inévitablement, un sentiment d'arbitraire apparaît.

Ainsi, l'inscription de la Grèce, de la Croatie ou du Portugal comme "pays à risque" n'était pas justifiée par la situation sanitaire durant près d'un jour sur deux depuis l'automne. A l'opposé, pendant près d'un mois où l'avancée locale de l'épidémie aurait pu le justifier au sens de la loi, les voyageurs de retour de ces destinations ont été épargnés de quarantaine (voir classements plus bas).

Dans le cas du Portugal, l'instrument a particulièrement failli et n'a pas permis de réagir rapidement lors de l'explosion de cas début janvier. Durant un mois de phase épidémique aiguë, aucune quarantaine n'a été demandée au retour en Suisse, avant d'être imposée tardivement, lorsque le pire était déjà passé.

L'origine de ces décalages s'illustre encore avec la dernière mise à jour publiée le mercredi 6 mai. L'OFSP précise que cette analyse - "qui a lieu en général tous les 14 jours" - se base sur les données épidémiologiques du 29 avril. Il existe donc un premier écart d'une semaine entre l'étude de la situation sanitaire et la communication officielle des changement. C'est à ce moment que sont retirés de la liste des pays jouissant d'une accalmie sur le front du Covid.

L'OFSP explique ce délai car entre les "consultations des différents offices concernés", et "la rédaction et traduction de l'acte législatif", une semaine est nécessaire avant d'obtenir la signature du Conseil fédéral.

Près de trois semaines de délai pour une inscription sur la liste

Pire, ce décalage se voit amplifié pour l'inscription sur la liste de nouveaux pays où le danger d'infection a dépassé celui de la Suisse. Pour ces Etats, la mise en application est encore reportée de 10 jours "à la demande de l'industrie des voyages", explique l'OFSP, et ceci afin de "rendre plus sûre la planification pour les agences de voyages et les voyageurs".

Au total, près de trois semaines auront donc séparé l'analyse de la situation sanitaire - "la date de référence", comme la nomme l'OFSP - et l'inscription des nouveaux pays le 17 mai. Pendant ce long intervalle, aucune mesure spécifique de contrôle des voyageurs n'aura été instaurée. Et l'épidémie aura continué à rebondir ou à se résorber selon les régions.

L'OFSP concède que ces délais "comportent un certain manque de praticabilité" mais tient à rappeler que depuis février toute personne entrant en Suisse par les airs doit fournir un test négatif, peu importe sa provenance.

Un résultat contre-productif

Des processus raccourcis n'auraient-ils pas assuré une meilleure protection de la santé de la population? Interrogé à ce sujet, l'OFSP rappelle que "le Conseil fédéral recommande toujours d'éviter tout voyage inutile" et souligne avoir pu parfois agir "dans les 24 heures" pour ralentir l'introduction de nouveaux variants, citant l'exemple de l'Inde. Une décision toutefois adoptée plusieurs jours après certains pays européens.

Censés en partie "rendre plus sûre la planification des voyages", les délais accordés provoquent dans les faits une déconnexion avec la situation sanitaire internationale, et créent une incertitude supplémentaire au moment de toute réservation. S'assurer de ne pas choisir un pays menacé de quarantaine pour ses prochaines vacances exige de savants calculs, et un peu de chance.

Reste que cette liste ne sera peut-être bientôt plus qu'un mauvais souvenir pour les personnes vaccinées. L'OFSP a confirmé que la Confédération travaillait sur un projet mettant fin à l'exigence de quarantaines pour la population protégée.

Marc Renfer

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Quelques exemples

Le bilan de la liste suisse permet de constater qu'Andorre est le pays à avoir été le plus longtemps considéré "à risque". Il n’a jamais été retiré de la liste depuis fin octobre, et avec raison. La principauté a connu une très violente deuxième vague suivie de rebonds, tout comme le Montenegro, la Tchéquie et la Slovénie, eux aussi très présents.

La Tchéquie est aussi le principal pays ayant passé le plus de temps en quarantaine, alors que des mises à jour plus rapides et régulières auraient pu lui permettre d'être momentanément retirée de la liste. A noter que la situation tchèque était à peine meilleure qu'en Suisse. Les deux pays se sont partagés la palme de la plus forte incidence du continent au début de l'hiver dernier.

Du côté de ceux qui ont le plus "échappé" à la liste suisse, on retrouve le Luxembourg avec 50 jours passés entre les gouttes durant lesquels une inscription aurait été justifiée. Suivent la Croatie (47 jours), la Hongrie (44) et Chypre (41).