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Le départ du chef du renseignement suisse dû à des tensions avec Viola Ahmerd

Le départ du chef du SRC Philippe Gaudin dû à une mésentente avec Viola Ahmerd
Le départ du chef du SRC Philippe Gaudin dû à une mésentente avec Viola Ahmerd / Forum / 3 min. / le 12 mai 2021
Un bref communiqué a confirmé mercredi après-midi le départ du Vaudois Jean-Philippe Gaudin après trois ans seulement à la tête des espions suisses. Un départ convenu d'un commun accord, selon le communiqué. Mais il s'agirait en réalité d’un divorce tout sauf à l'amiable, comme l'a appris la RTS.

Le courant ne passait plus entre Viola Ahmerd, à la tête du Département de la défense, et son chef du Service de renseignement de la Confédération (SRC). Plusieurs sources ont confirmé à la RTS que la conseillère fédérale ne communiquait quasiment plus avec Jean-Philippe Gaudin, alors que les missions d'espionnage nécessitent un lien étroit et constant entre les responsables opérationnel et politique.

"Ils ne se sont pas rencontrés en présentiel depuis plus de huit mois et ce n'est pas que à cause du coronavirus", confie un proche du chef du SRC.

L'affaire crypto en cause?

L'affaire Crypto pourrait être à l'origine de cette relation détériorée. Jean-Phlippe Gaudin aurait tardé à informer sa cheffe politique des accords secrets avec les services américains et allemands.

>> Relire aussi : L'ex-ministre Kaspar Villiger savait à propos de Crypto, selon Viola Amherd

Pour rappel, l'affaire Crypto a été révélée mi-février, à la suite des recherches d'un pool de médias internationaux. La CIA et les services de renseignement allemands (BND) auraient écouté, grâce à des appareils de chiffrement de Crypto AG dotés de systèmes "vulnérables", les conversations de plus de 100 Etats étrangers.

>> Voir le sujet du 19h30 :

Le chef du Service de renseignement de la Confédération Jean-Philippe Gaudin quitte ses fonctions.
Le chef du Service de renseignement de la Confédération Jean-Philippe Gaudin quitte ses fonctions. / 19h30 / 2 min. / le 12 mai 2021

Mais pour plusieurs fins connaisseurs du renseignement, l'affaire Crypto serait un peu l'arbre qui cache la forêt. Le Vaudois a été appelé à la tête du renseignement par son compatriote Guy Parmelin en 2018. Et si les deux Vaudois ont pu faire la paire, on ne peut pas en dire autant du duo Amherd-Gaudin

Selon certains, dès son arrivée en 2019, la ministre a mal supporté les apparitions médiatiques et le franc-parler du divisionnaire Gaudin, militaire de carrière à la base. "Il paie sa franchise, son courage face aux nouveaux dangers du terrorisme et l'extrémisme violent", se désole la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD).

Un autre supporter du Vaudois va plus loin encore: "Viola Amherd sacrifie sans raison valable un des meilleurs chefs que nous ayons eu depuis longtemps aux renseignements. Elle pense avant tout à polir son image et elle n’a pas d’intérêt pour le domaine de la sécurité."

>> Voir aussi la réaction du conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS/GE) dans Forum :

Départ du chef du SRC: Interview de Carlo Sommaruga
Départ du chef du SRC: Interview de Carlo Sommaruga / Forum / 3 min. / le 12 mai 2021

Remplacement par une femme?

Pour expliquer ce départ, le porte-parole de Viola Ahmerd renvoie au communiqué du jour qui évoque un départ convenu au 31 août pour aller "relever un nouveau défi dans l'économie privée".

Il se dit que la cheffe du Département de la défense est très soucieuse de la promotion des femmes et qu'elle serait donc pressée d'en nommer une à la place du Vaudois. Un ou deux noms circulent déjà, dont celui de l'ancienne procureure en charge du terrorisme Juliette Noto. Elle vient justement d'être intégrée à la direction du SRC.

Bilan jugé positif au SRC

Le bilan de Jean-Philippe Gaudin est plutôt considéré comme positif au sein du SRC. Il a su obtenir plus de moyens, oser réclamer des réformes, notamment dans le domaine ultra-sensible de l'espionnage politique. Mais il a dû avancer en terrain délicat. Le SRC est en fait en pleine crise de croissance avec une augmentation des effectifs de 300 à 400 postes qui prend beaucoup d'énergie à l'interne.

Dans le même temps, des agents aguerris s'en vont, dépités par la défiance du monde politique, la bureaucratie et l'obsession du contrôle prend le dessus sur l'opérationnel.

Ludovic Rocchi/vkiss

>> Voir l'analyse de Rouven Gueissaz dans le 19h30 :

Analyse du journaliste Rouven Gueissaz.
Analyse du journaliste Rouven Gueissaz. / 19h30 / 1 min. / le 12 mai 2021
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Le parcours de Jean-Philippe Gaudin

Lieutenant-colonel à l'époque, Jean-Philippe Gaudin a été décoré par l'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi, lors d'une visite de ce dernier aux troupes suisses en décembre 2000 à Sarajevo. [Keystone - Hidajet Delic]
Lieutenant-colonel à l'époque, Jean-Philippe Gaudin a été décoré par l'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi, lors d'une visite de ce dernier aux troupes suisses en décembre 2000 à Sarajevo. [Keystone - Hidajet Delic]

Jean-Philippe Gaudin est à la tête du SRC depuis juillet 2018. Nommé par Guy Parmelin, alors ministre de la Défense, le Vaudois âgé de 58 ans a succédé à Markus Seiler. Il a dirigé le Service de renseignement militaire de 2008 à 2015, avant de devenir attaché de défense à Paris.

Après avoir travaillé à l'Office du tourisme de Montreux, Jean-Philippe Gaudin est devenu en 1987 instructeur à l'armée. En 2000, il a commandé un bataillon de soutien logistique à l'OSCE en Bosnie et Herzégovine.

Tout en poursuivant son perfectionnement en suivant des cours en Grande-Bretagne, en France et auprès de l'OTAN, le Vaudois a grimpé dans la hiérarchie du service de renseignement militaire. Il en deviendra le numéro deux en 2005 avant de diriger le service dès 2008.

Sous la houlette de Jean-Philippe Gaudin, le SRC a pu être étoffé. Une centaine de nouveaux postes doivent être créés pour renforcer les domaines de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent. L'augmentation s'étalera sur cinq ans.

>> Lire aussi : Le Service de renseignement va créer 100 postes sur cinq ans