La méthode Montessori favoriserait les connexions neuronales et serait bénéfique pour le cerveau des enfants, selon l'étude réalisée au CHUV et menée par la chercheuse en neurosciences Solange Denervaud. Lancée en 2014, la recherche a été conduite sur 250 enfants âgés de 4 à 13 ans, recrutés sur une base volontaire au sein d’écoles traditionnelles et d’établissements Montessori.
L’étude s’inspire de l’expérience personnelle de la neuroscientifique. "J’ai été moi-même enseignante Montessori et j’ai pu observer comment ces enfants évoluaient au quotidien. Les élèves étaient curieux et courtois, ils avaient une soif d’apprendre et une grande capacité à coopérer. Cela a éveillé ma curiosité et j’ai voulu savoir en détail ce qui se passait dans leurs cerveaux ", explique Solange Denervaud jeudi dans le 19h30.
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Au départ de la thèse, une question centrale: quelle est l’influence de l’expérience scolaire sur le développement cérébral? Pour y répondre, la chercheuse a mesuré l’activité cérébrale des élèves en leur faisant passer des tests, expériences, IRM et EEG (électroencéphalogramme). Il en ressort que les fonctions exécutives – comme la capacité de mener et de terminer une tâche - ne varient pas radicalement entre les élèves issus des écoles traditionnelles ou Montessori. Mais la méthode aurait un impact sur d’autres facultés, et favoriserait la mise en place des réseaux neuronaux de ce que l’on nomme la "gestion de l’erreur " chez les élèves bénéficiant de cette pédagogie.
Gestion de l’erreur
La gestion de l’erreur est le fait d’élaborer une réponse adéquate à une circonstance imprévue. Imagerie cérébrale à l’appui, les résultats démontrent que les élèves issus des structures Montessori ont des meilleures capacités à gérer les situations inopinées. "La méthode favorise la pensée créative. Les élèves ont une meilleure capacité à mettre leurs ressources en œuvre pour résoudre des problèmes", détaille Sophie Denervaud.
Et la chercheuse d'ajouter: "Les élèves d’écoles traditionnelles vont plutôt connecter leurs cerveaux de manière à mémoriser la réponse juste, alors que la méthode Montessori favorise l’apprentissage des erreurs, jusqu’à arriver à une réponse correcte."
Pas de jugement
Globalement, l’enseignement standard repose sur le principe du jugement de valeur, comme le fait d’avoir une bonne ou une mauvaise note. L’envie de trouver une réponse correcte favorise le fait d’apprendre sa leçon par cœur, sans forcément activer les réseaux neuronaux liés aux questionnements et à la recherche des solutions.
La méthode Montessori encourage le processus d’apprentissage et non pas la réponse. "Il n’y a pas d’erreurs, mais plutôt un chemin vers la réussite. Les élèves ne s’arrêtent pas sur un échec et savent qu’étape après étape le problème sera résolu", souligne la chercheuse.
Les résultats de la thèse trouvent écho auprès de l’école publique. "Il faut analyser cette étude et déterminer ce qui permettrait aux élèves de mieux appréhender leur positionnement face à l’échec", réagit Samuel Rohrbach, président du syndicat des enseignants romands. Il soutient néanmoins que la méthode Montessori est déjà utilisée au sein des institutions publiques. "L’école est en perpétuelle évolution. Aujourd’hui, nous avons changé la manière d’enseigner et les professeurs mixent déjà plusieurs pédagogies d’apprentissage. La méthode Montessori est présente à travers le plan d'étude, où l'élève doit apprendre à découvrir et à observer."
L’étude de Solange Denervaud a reçu le Prix Biaggi de Blasys le 7 mai, qui récompense la meilleure thèse en neurosciences défendue aux Universités de Genève, de Lausanne et de l’EPFL.
Sujet TV : Chloé Steulet
Adaptation web : Sarah Jelassi
La méthode en bref
La méthode Montessori a été inventée en 1907 par Maria Montessori, docteure en médecine spécialisée en anthropologie et en psychiatrie. La pédagogie repose sur plusieurs principes cardinaux : autonomie de l’enfant, libre choix, respect de rythme de l’enfant et de sa personnalité, absence de compétition et non-stigmatisation de l’erreur. L’enfant est placé au centre de l’apprentissage : ce n’est plus l’adulte qui lui enseigne, mais lui qui apprend par lui-même en manipulant du matériel pédagogique élaboré scientifiquement. Il existe plus de 30’000 écoles Montessori à travers le monde.