Le soutien à la loi sur le CO2 recule, les initiatives anti-pesticides glissent vers le non, selon le 2e sondage SSR
Les quatre semaines qui séparent le premier sondage SSR de la deuxième enquête, publiée ce mercredi, ont fait bouger les lignes. Distancés jusqu'à présent dans l'opinion, les opposants à la révision de la loi sur le CO2 ont réussi à réduire l'écart. Le oui est toujours donné gagnant à 54% (-6 points), mais le non a grappillé 8 points pour atteindre 43%. Cette tendance, si elle se poursuit, pourrait mener à un résultat extrêmement serré le 13 juin.
La campagne très active d'une partie des organisations paysannes contre les deux initiatives anti-pesticides semble elle aussi porter ses fruits. En un mois, les positions se sont totalement inversées, le double oui se transformant en double non. Pas de révolution, en revanche, pour les deux derniers objets: la loi Covid perd quelques plumes mais reste largement soutenue (64% de oui, -3 points), de même que les mesures policières de lutte contre le terrorisme (62% de oui, -5 points).
Suspense pour la loi sur le CO2
Les derniers jours de la campagne sur la loi sur le CO2 promettent d'être chauds. L'écart entre le oui et le non a fondu comme neige au soleil, passant de 25 points dans le premier sondage à 11 points dans le second. Le renforcement de l'opposition au projet est particulièrement marqué au sein de l'électorat de l'UDC (85% de non, +21 points) ainsi que chez les personnes ne se revendiquant d'aucun parti (55% de non, +21 points).
La majorité de la population continue toutefois d'être favorable à la loi grâce au soutien massif des sympathisants des Verts, du PS, des Vert'libéraux et, dans une moindre mesure, du Centre. En revanche, le virage vert du PLR semble avoir du mal à convaincre la base du parti, rétive à l'introduction de nouvelles taxes. L'électorat libéral-radical est en effet extrêmement divisé sur la question (49% de oui, 48% de non).
Davantage de scepticisme en Suisse alémanique
L'érosion de l'approbation de la loi sur le CO2 s'observe tant chez les Romands que chez les Alémaniques. Signe de l'incertitude qui gagne l'électorat, la part des indécis en Suisse romande a même augmenté à 7% (+4 points). Le Tessin, en revanche, fait exception. Plus sceptiques que les habitants des autres régions il y a un mois, les Tessinois sont aujourd'hui les plus fervents soutiens du projet (58% de oui, +4 points).
Les hommes restent légèrement moins convaincus que les femmes, mais l'enthousiasme de ces dernières s'est nettement affaibli depuis la première enquête (-9 points). Au niveau générationnel, les plus critiques sont les sondés de 40 à 64 ans avec à peine 50% de oui. Ce sont les jeunes qui soutiennent le plus largement la loi, principal instrument de la Suisse pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat.
Les conséquences financières comme argument principal
Environ 60% des citadins sont favorables à la loi sur le CO2, tandis que les habitants des zones rurales, eux, penchent majoritairement du côté du non. Les personnes aux revenus les plus faibles sont elles aussi plus réceptives aux arguments des opposants, qui jugent le projet "coûteux et inefficace". Les partisans rappellent pour leur part que la loi se fonde sur le principe du pollueur-payeur et que de nombreuses personnes pourraient finalement recevoir davantage d'argent qu'elles ne devraient en débourser.
La loi sur le CO2 vise à réduire d'ici 2030 nos émissions de CO2 de 50% par rapport à 1990. Pour atteindre cet objectif, elle prévoit une augmentation de la taxe sur le CO2 sur les combustibles fossiles comme le mazout et le gaz, l'introduction d'une taxe sur les billets d’avion ainsi qu'une hausse du prix des carburants. En contrepartie, toute la population bénéficierait de la rétrocession d'une partie de ces taxes.
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Les initiatives anti-pesticides refusées
Les deux initiatives sur les pesticides sont désormais refusées au plan national. Celle concernant les pesticides de synthèse perd moins de terrain, avec un refus de 51%, soit un taux qui se situe dans la marge d'erreur (+/-2,8 points de pourcentage), que le texte sur l'eau potable (53% de non).
Les deux textes obtiennent, toutefois, encore la faveur de la Suisse italienne, un double oui qui atteint près de 60%.
Sans surprise, les divisions politiques restent fortement marquées concernant chacun des deux objets. Ceux-ci bénéficient d'un net soutien chez les personnes affiliées au PS et aux partis écologistes. Mais ils sont largement balayés par les sympathisants de la droite, UDC en tête.
Le fossé ville-campagne se confirme, lui, également. Le texte sur l'eau potable propre obtient la confiance de 53% des habitants dans les grandes villes alors qu'il est contesté par 66% des personnes dans les zones rurales. Même constat pour l'initiative sur les pesticides de synthèse, acceptée à 58% dans les grandes agglomérations et refusée à 55% dans les campagnes.
Large oui à loi Covid
Le 13 juin, les Suisses se prononceront également sur la loi Covid. Celle-ci vise à donner une base légale aux mesures prises par le Conseil fédéral pour faire face à la pandémie. Le comité référendaire qui combat cet objet estime que cette loi a été élaborée dans la précipitation, sans consulter le peuple.
Malgré un léger recul (- 3 points de pourcentage) depuis le dernier sondage, le texte se maintient confortablement dans le camp du oui (64%). Il convainc toutes les sensibilités politiques, sauf l'UDC, qui le rejette désormais à 63%.
La grande majorité des sondés (73%) estime que la Suisse a besoin d'une base légale solide pour agir rapidement et de manière ciblée face à la crise sanitaire. Par ailleurs, deux tiers pensent que le texte protège les emplois et les salaires.
A l'inverse, 47% des participants considèrent que les mesures telles que le port du masque, les fermetures des entreprises ou les quarantaines engendrent plus de dommages que de bienfaits. En outre, près de 40% sont d'avis que la loi Covid porte atteinte à la démocratie.
Clivage gauche-droite sur le terrorisme
Cinquième objet en votation, la nouvelle loi contre le terrorisme (MPT) veut notamment permettre à la police de mener des interventions préventives contre des suspects. Celle-ci reste également très soutenue, à plus de 60%.
Le clivage gauche-droite ne s'est toutefois pas réduit: d'un côté, les personnes affiliées aux Verts et celles au PS rejettent majoritairement le texte, même si la part d'indécis dans ces deux camps restent significatives. A droite, les positions sont plus franches avec un soutien dépassant les 60%, au sein des électeurs des Vert'libéraux, du Centre, du PLR et de l'UDC.
Mathieu Henderson et Didier Kottelat
Deux initiatives anti-pesticides bien distinctes
L'initiative pour une eau potable propre veut conditionner l'octroi aux agriculteurs de paiements directs à un respect de mesures environnementales plus strictes. Elle exige que seuls les agriculteurs qui n'utilisent pas régulièrement d'antibiotiques à des fins prophylactiques, n'utilisent pas de pesticides et qui sont en mesure de nourrir leur bétail avec le fourrage produit dans leur exploitation puissent obtenir des paiements directs.
L'initiative contre les pesticides de synthèse veut quant à elle interdire toute utilisation de pesticides de synthèse en Suisse, que ce soit dans la production agricole, la transformation des produits agricoles ou l'entretien du territoire. De plus, l'importation de denrées alimentaires qui en contiennent ou dont la production a nécessité leur utilisation serait également interdite. Une période transitoire de dix ans est prévue avant l'entrée en force du texte.
Le monde paysan se montre plutôt opposé aux deux initiatives phytosanitaires. Aucune association agricole ne soutient l'initiative pour une eau potable propre. En revanche, Demeter, Bio Suisse et l'Association des petits paysans (VKMB) approuvent l'initiative "Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse", tandis qu'Uniterre laisse la liberté de vote à ses membres.
Au niveau politique, les partis prônent en général soit le double non (à droite et au centre), soit le double oui (à gauche). Seule exception: le Parti vert'libéral, suivi par quelques membres du PLR, qui rejette l'initiative contre les pesticides de synthèse, mais défend l'autre texte. Selon eux, cette initiative est plus conforme à leurs principes car elle mise sur des incitations plutôt que des interdictions.
Méthode
Deuxième vague de l’enquête de tendance SRG-SSR sur les votations du 13 juin 2021, réalisée par l'institut de recherche gfs.bern entre le 18 et le 27 mai 2021 auprès de 17’959 titulaires du droit de vote. La plage d’erreur statistique est donc de +/- 2.8 points de pourcentage.