Joël est un fan de jeux vidéo. Un gamer. Ce Fribourgeois de 22 ans joue depuis de nombreuses années. S'il a un rapport sain avec cette activité aujourd'hui, cela n'a pas toujours été le cas. Il y a six ans, lorsque sa maman apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein, il se réfugie dans le monde virtuel de Dofus, un jeu en ligne multijoueurs.
Il ne supporte pas de voir sa mère souffrir: "Je ne voulais vraiment pas aller la voir, même si elle était dans la chambre à côté. Du coup, j'étais dans ma chambre et je jouais. Je me suis enfermé là-dedans comme protection par rapport à ma situation réelle."
Plus la maladie avance, plus son jeu devient compulsif: "Je n'avais pas d'amis, je ne voulais pas m'en faire. Le seul ami que j'avais, c'était mon jeu vidéo. Je rentrais de l'école, je prenais le bus dans mon coin. Je courais pour rentrer et jouer. Je faisais ça tout le temps, tous les jours."
Sa plus longue séance en ligne? "Le plus longtemps que j'ai joué, c'était sur un week-end, lorsque mes parents n'étaient pas là. J'ai fait 22 heures d'affilée."
Du jeu compulsif au coaching
Sa maman ne parviendra pas à vaincre sa maladie. Elle décédera six mois plus tard, le jour de l'anniversaire de Joël. Malgré cette fin tragique, l'adolescent réussit à soigner ses troubles. "Ce qui m'a fait sortir de cette situation, c'est le fait d'avoir commencé un apprentissage. Là, j'avais des obligations comme se lever et aller au travail. Et, à la différence de l'école, c'était quelque chose de manuel, qui me plaisait beaucoup."
Aujourd'hui, Joël joue toujours. Mais par plaisir, pas pour fuir quelque chose. Il participe même au coaching de jeunes joueurs à la Noetic Academy, à Fribourg. "On a des jeunes de 8 à 30 ans. On les cadre sur certains jeux."
Jouer, oui, mais avec un suivi
D'ailleurs, le jeune homme estime que la Suisse n'en fait pas assez en matière de cyberdépendance: "Le problème du jeu vidéo, c'est que c'est très récent. Du coup, la dépendance au jeu est très récente. En Suisse, on est quand même assez lent à la détente quand quelque chose de nouveau arrive."
Sa solution? Traiter l'usage excessif d'internet et des jeux vidéo comme les addictions à l'alcool ou à la drogue. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère en effet que les pratiques numériques peuvent constituer des addictions. "Il faudrait donc donner leur dose aux personnes concernées", estime Joël. "Leur laisser le temps nécessaire pour jouer et après les cadrer. Avec des activités ou de la lecture."
Mathieu Henderson
Vers une meilleure protection des jeunes
Les jeunes doivent être mieux protégés contre les films et les jeux vidéo inappropriés. Le Conseil national a accepté mercredi, par 112 voix contre 74, une loi visant à instaurer des règles nationales.
Les limites d'âge et leur contrôle figurent au coeur du projet. Les cinémas et les commerçants devront indiquer l'âge minimal requis pour visionner un film ou jouer à un jeu vidéo.
Les services de streaming, comme Netflix, les fournisseurs de plateformes de vidéos ou de jeux, à l'image de YouTube ou Twitch et les entreprises de vente en ligne seront également soumis à cette obligation. De même que les organisateurs d'événements.
Les députés ont toutefois tenu à durcir certains points de la nouvelle loi. Des garde-fous doivent être ajoutés pour les tournois de jeux vidéo. Un mineur n'ayant pas l'âge requis peut y participer mais, en plus de présenter un consentement écrit d'un parent, son âge ne doit pas être inférieur de plus de deux ans à la limite.
Les microtransactions, à savoir les achats supplémentaires facultatifs dans les jeux vidéo, doivent elles être encadrées.
Par ailleurs, le National a aussi accepté par 123 voix contre 60 un postulat de sa commission de l'éducation, visant à renforcer la lutte contre les diverses formes de cyberdépendance. Un volet spécifique sur ce thème doit être intégré dans la stratégie nationale Addictions à cette fin.
Le Conseil des Etats doit encore se prononcer sur les deux textes. (keystone-ats)