Nous l'appellerons Christine afin de préserver son anonymat. Cette Africaine a travaillé pendant des années pour une famille de diplomates africains, à Genève. Recrutée dans son pays en tant que gouvernante, elle pensait avoir trouvé une solution pour subvenir aux besoins de sa famille restée là-bas.
En réalité, une fois en Suisse, elle travaille sept jours sur sept, n'a le droit à aucun jour de vacances et touche un salaire de 300 francs par mois. Effrayée à l'idée qu'on puisse s'en prendre à ses enfants restés au pays, elle n'ose pas partir et ne sait pas vers qui se tourner pour s'en sortir. Elle finit par fuir et trouver de l’aide auprès d’associations.
Des cas qui échappent à la justice
D'après l'ordonnance sur les domestiques privés des membres du personnel des missions diplomatiques adoptée en 2011, les conditions de travail sont très réglementées. Les employeurs et employeuses doivent notamment fournir un salaire net de 1200 francs par mois, payer l'assurance maladie de son employé, payer ses cotisations salariales, fournir un hébergement digne avec une fenêtre, trois repas par jour et accorder un jour et demi de congé par semaine.
L'organisme chargé de vérifier si ces conditions sont respectées est la mission suisse auprès des Nations unies à Genève. Il délivre les cartes de légitimation, vérifie les fiches de salaires et doit s'entretenir avec l'employée ou l'employé. Dans le cas de Christine, elle a été contrainte de mentir durant son entretien, ce qui explique que les infractions ont échappé au contrôle des autorités.
Une plateforme d'aide aux victimes
En octobre 2020, le centre social protestant (CSP) de Genève s'est associé à "Astrée" dans le canton de Vaud, à "Fachstelle Frauenhandel und Frauenmigration" (FIZ) dans le canton de Zurich et à "Antenna MayDay" au Tessin. L'objectif: mieux défendre les victimes de traite.
Interrogée dans l'émission "On en parle", Sibel Can-Uzun, avocate au secteur "assistance aux personnes victimes de la traite du Centre social protestant (CSP)" à Genève constate que l'aide aux victimes dans les autres cantons est encore peu développée. Si aucune association n'existe dans son canton, elle conseille de se tourner vers un centre LAVI ou vers la police si la situation est dangereuse.
La traite des êtres humains en Suisse
En 2020, la plateforme suisse contre la traite des êtres humains a identifié 174 victimes de traite dont 151 femmes et 23 hommes. Parmi elles, 125 personnes ont été victimes d'exploitation sexuelle et 50 d'exploitation de force de travail, parfois pour des activités illicites. Enfin, la traite touche aussi les enfants, contraints de se prostituer ou mariés de force.
D'après Sibel Can-Uzun, ces 174 cas ne sont que la partie visible de l'iceberg puisque ce sont uniquement ceux qui ont été signalés. Si les victimes sont majoritairement d'origine étrangère, 40% proviennent du continent européen.
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Isabelle Fiaux / Meili Gernet.