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Didier Trono: "La population a jusqu'à fin septembre pour se faire vacciner avant une possible nouvelle vague"

Pourquoi les cas Covid sont-ils en hausse dans certains pays? Interview de Didier Trono (vidéo)
Pourquoi les cas Covid sont-ils en hausse dans certains pays? Interview de Didier Trono (vidéo) / La Matinale / 8 min. / le 22 juin 2021
Le variant Delta du coronavirus poursuit sa progression dans le monde et il est aujourd'hui dominant en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Russie. Pour le virologue Didier Trono, le risque qu'il se développe en Suisse est réel et il faut accélérer la vaccination pour éviter une nouvelle vague.

Lundi, la région de Moscou a enregistré sa plus forte hausse quotidienne de cas depuis le début de la pandémie. La ville de Saint Petersbourg, qui accueille les matches de l'Euro, s'est vue contrainte de fermer ses espaces de restauration et ses centres commerciaux.

Au centre des préoccupations figure le variant Delta, en provenance du sous-continent indien. Ce dernier est plus contagieux que les autres mutations du virus et a relancé la contamination dans plusieurs pays.

En Suisse, il est apparu il y a quelques semaines mais ne s'est pour l'instant pas propagé outre mesure dans la population. Pourtant, d'après Didier Trono, responsable du laboratoire de virologie et de génétique à l'EPFL, la menace est à prendre très au sérieux.

>> Le reportage du 19h30 sur la nouvelle vague de contamination en Russie à cause du variant Delta :

COVID-19: La Russie face à une nouvelle vague de contaminations à cause du variant Delta
COVID-19: La Russie face à une nouvelle vague de contaminations à cause du variant Delta / 19h30 / 1 min. / le 19 juin 2021

Une vague qui pourrait ressembler à celle d'octobre 2020

Invité de La Matinale mardi, le virologue estime que la Suisse est dans une position favorable car elle a "l'immense chance d'avoir des vaccins" et elle bénéficie d'un "effet de pause" dû à l'été et à la saisonnalité du virus.

Didier Trono juge pourtant que la relance des contaminations au Royaume-Uni, en Russie et ailleurs doit servir d'avertissement: "C'est ce qui pourrait se passer chez nous à l'automne si on n'atteint pas des taux de vaccination extrêmement hauts d'ici-là."

Et d'ajouter: "A l'heure actuelle, il y a 55% de la population qui n'est pas vaccinée du tout. Je dirais que ces personnes ont jusqu'à fin septembre pour le faire avant qu'on ne se retrouve dans une vague qui a de grandes chances de ressembler à ce qu'elle était au mois d'octobre de l'année dernière."

"Il en va de notre responsabilité collective"

Mais alors qu'à peu près 20% des Suissesses et des Suisses refusent ou hésitent à se faire vacciner, comment les convaincre? A cette question, celui qui est également membre de la task force Covid répond qu'il faut tout d'abord regarder attentivement ce qui se passe dans d'autres pays et, surtout, qu'il convient d'avoir une pensée pour les personnes les plus fragiles.

"Le Royaume-Uni, la Russie et maintenant le nord du Portugal sont une sorte d'avertissement. Il faut se souvenir de ce qui s'est passé à l'automne dernier quand, avec un grand enthousiasme, on a rouvert les stades et autres et qu'on s'est retrouvé avec un nombre considérable de cas (...) j'espère que c'est un avertissement suffisant pour encourager les gens à se faire vacciner, sans omettre ceux chez qui le vaccin a peu de chance de marcher, parce qu'ils ont des pathologies intercurrentes ou parce qu'ils subissent des traitements immunodépresseurs. En somme, il en va de notre responsabilité collective de protéger ces gens en assurant une immunité dans la population", explique-t-il.

Le professeur de l'EPFL juge aussi qu'il faut absolument profiter de cette accalmie, au moment où les contaminations sont basses, pour traquer de manière intense le virus. "On devrait y arriver parce que ce n'est plus un exercice incommensurable. On suit toutes les souches qui infectent les gens en Suisse avec le séquençage d'une grande proportion d'entre elles. Les mesures qu'on a prises jusqu'à maintenant sont satisfaisantes mais à nouveau, on bénéficie de circonstances de saison. Profitons-en pour nous prémunir contre la résurgence du virus à l'automne."

>> Réécouter également le reportage de La Matinale qui revient sur la propagation du variant Delta :

Des ambulances attendent à l'extérieur du Royal London Hospital. Londres, le 14 juin 2021. [Keystone/epa - Andy Rain]Keystone/epa - Andy Rain
La variant Delta du Covid-19 continue sa progression, notamment en Russie / La Matinale / 1 min. / le 22 juin 2021

"Les vaccins protègent aussi contre ce variant"

Reste enfin à savoir comment le variant Delta a réussi à se propager aussi facilement dans le monde. Pour Didier Trono, il faut tout d'abord souligner que les vaccins à base d'adénovirus, comme l'Astrazeneca, utilisé au Royaume-Uni, et le Sputnik V, utilisé en Russie, sont d'une manière générale "moins efficaces" que le Moderna ou le Pfizer-Biontech, qui utilisent la technique de l'ARN-messager. "En Suisse, les gens vaccinés avec Moderna ou Pfizer-Biontech sont protégés contre ce variant comme pour tous les autres", explique-t-il

"Cependant, à l'heure actuelle, il manque des chiffres pour la Grande-Bretagne. C'est-à-dire qu'on ne sait pas si ce variant a infecté particulièrement des gens qui avaient déjà été vaccinés avec l'Astrazeneca ou des gens qui n'avaient pas été vaccinés du tout", note-t-il toutefois.  D'après lui, ce sont sans doute les échanges importants entre le sous-continent indien et le Royaume-Uni qui peuvent expliquer cette recrudescence des contaminations.

Propos recueillis par Romaine Morard

Adaptation web: Tristan Hertig

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"Le risque qu'un variant vienne contrecarrer la décrue estivale est valable pour tous"

S'exprimant également dans La Matinale mardi, Antoine Flahault, directeur de l'Institut de Santé globale, a tenu à rappeler qu'il était important de "ne pas se contenter du facteur saisonnier" pour se dire qu'on était débarrassé du problème.

"La Russie entre en plein été, le Royaume-Uni et le Portugal aussi et ils connaissent des rebonds préoccupants. Donc le risque qu'un variant vienne contrecarrer la décrue estivale est valable pour tous les pays (....) A chaque fois, il y a eu des failles dans le système de prévention, en particulier lors des contrôles sanitaires aux frontières et cela n'a pas pardonné", juge-t-il.

Et d'ajouter: "En Suisse, on a une situation épidémiologique très favorable mais c'est vrai que le Royaume-Uni avait une situation très favorable avant l'arrivée du Delta. En fait, aujourd'hui, on a 100 cas par jour, les autorités de santé doivent pouvoir les séquencer tous, les retracer tous. En juin dernier, on a laissé dans toute l'Europe le virus se repropager, il faut absolument éviter cela pour éviter la quatrième vague."