La RTS consacre une série aux différentes émotions exprimées en politique. [Keystone]
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Joie, colère, tristesse... quand les émotions s'affichent en politique

Le "casse-toi pauvre con" de Nicolas Sarkozy ou le "c'est un dimanche noir" de Jean-Pascal Delamuraz, autant de petites phrases devenues célèbres et qui dénotent une émotion rarement exprimée en politique. Pour les analyser, la philosophe Anne Meylan et le psychologue David Sander se sont plongés dans les archives de la RTS. Décryptage.

La joie

La joie: ce sentiment peut paraître banal, mais il est souvent plus complexe qu’il n’y paraît, car vécu différemment..

"Je n'attendais rien. C'est plus simple quand on n'attend rien, (ça permet d'être) ni surprise, ni déçue. Je suis très heureuse que ce soit terminé, c'est maintenant que ça commence", expliquait tout en sobriété Elisabeth Kopp lors de son élection au Conseil fédéral, en 1984.

Une retenue qui ne surprend pas la philosophe Anne Meylan: "Dans ce cas-ci, on a une joie contenue. Car on ne peut pas, en tant que politicien, juste exploser de joie. Cela entrerait en contradiction avec l'idéal du politicien dont la fonction est de promouvoir le bien commun et non pas ses intérêts personnels, contrairement à un sportif par exemple."

>> Premier épisode, la joie :

Elisabeth Kopp fête son élection au Conseil fédéral. [Keystone - Str]Keystone - Str
Les émotions en politique (1/5) : La joie / La Matinale / 5 min. / le 5 juillet 2021

La colère

Parmi les colères mémorables en politique, notons celle de l'UDC lors de l’éviction du Christoph Blocher du Conseil fédéral en 2007, celle du président américain George Bush après les attaques du 11 septembre 2001 ou encore celle du président français Jacques Chirac en 1996, lors d’une visite à Jérusalem.

"Un homme politique en colère, ce n'est pas terrible", commente Anne Meylan. "Ce que l'on attend de la part des gens qui représentent le peuple, c'est qu'ils sachent se contrôler. Ils ont des responsabilités et doivent pouvoir contrôler leurs émotions."

Pour le psychologue David Sander, la colère est un mécanisme de protection face au danger: "Il y a trois grandes formes de protection que l'on retrouve: la fuite, le fait de s'immobiliser et l'attaque", précise-t-il.

>> Deuxième épisode, la colère :

Christoph Blocher (UDC) lors de son éviction du Conseil fédéral. [Keystone - Lukas Lehmann]Keystone - Lukas Lehmann
Les émotions en politique (2/5): La colère / La Matinale / 6 min. / le 6 juillet 2021

La peur

Rarement exprimée par les dirigeants politiques, la peur est parfois recherchée et utilisée dans leurs discours. C'est ce qui s'est passé après les attentats de Paris, par exemple: "La tristesse et la peur, pour un gouvernement, représenté ce soir-là par François Hollande, ne sont pas des émotions qui vont suffire pour répondre au problème", analyse Anne Meylan. Mais, ajoute-t-elle, "la peur est un levier d'action extraordinaire."

Et David Sander d'ajouter: "Cela nous rappelle que l'une des fonctions des hommes et des femmes politiques, c'est de protéger le peuple. Et c'est vraiment la tendance à l'action de la peur c'est la protection." Il poursuit: "Dans la peur, il y a cet aspect de capture de l'attention. Il y a un sentiment d'urgence, il faut rapidement se protéger face à une menace."

>> Troisième épisode, la peur :

François Hollande sur les lieux de l'attentat du Bataclan. [Keystone - EPA/Christophe Petit Tesson]Keystone - EPA/Christophe Petit Tesson
Les émotions en politique (3/5): La peur / La Matinale / 4 min. / le 7 juillet 2021

La tristesse

Souvent cachée en politique, la tristesse transparaît parfois face à certains échecs ou évènements soudains. Comme en 2016, lorsque le président américain Barack Obama s’émeut face à la répétition de fusillades dans les écoles américaines.

"La tristesse ou, à l'extrême, la détresse, sont des états qui montrent aux autres que l'on a besoin d'aide", observe David Sander.

Mais ce sentiment peut s'exprimer d'autres manières. Lorsque l'ancien conseiller national Jean-François Rime (UDC/FR) n'a pas été réélu en 2019, il admet "une certaine déception", mais ajoute: "Je survivrai." Pour David Sander, cette réaction dénote surtout une certaine résilience et une capacité à rebondir. "Il accepte cette tristesse et il est prêt à passer à autre chose."

Anne Meylan précise: "Il ne dit pas 'je suis triste', mais 'je suis déçu'. L'expression de la vraie tristesse chez les politiciens c'est assez rare, car ce n'est pas une émotion qui colle à l'image du politicien."

>> Quatrième épisode, la tristesse :

Barak Obama retient une larme lors d'un discours sur le contrôle des armes après une fusillade. [Reuters - Kevin Lamarque]Reuters - Kevin Lamarque
Les émotions en politique (4/5): La tristesse et la déception / La Matinale / 5 min. / le 8 juillet 2021

Le mépris

Le mépris est également intéressant à analyser. A commencer par ce dérapage célèbre de Nicolas Sarkozy au Salon de l'agriculture de Paris, en 2008. Au milieu d'un bain de foule, un homme avait refusé de lui serrer la main. A quoi le président français de l'époque avait rétorqué: "Casse-toi pauvre con!"

"Ce qui est intéressant avec le mépris", explique Anne Meylan, "c'est que vous n'essayez même pas de convaincre les gens qu'ils ont tort. Vous les gardez à distance. De la part d'un politicien, je pense que ce n'est pas acceptable."

Autre exemple, en Suisse, avec l'ancienne conseillère fédérale Doris Leuthard. Alors qu'elle est présidente de la Confédération en 2010, l'Argovienne défend la Suisse à Bruxelles lors de discussions sur la situation économique et la crise de l'euro. "La Suisse a un niveau de dette de 39% du PIB (Produit intérieur brut), nous remplissons les critères de Maastricht... s'ils existent encore", avait-elle ironisé.

David Sander réagit à cette intervention: "C'est presque une réaction contre un mépris potentiel de la part de l'Union européenne vis-à-vis de la Suisse."

>> Cinquième épisode, le mépris :

Nicolas Sarkozy au salon de l'agriculture à Paris en 2008. [AFP - Eric Feferberg]AFP - Eric Feferberg
Les émotions en politique (5/5): Le mépris / La Matinale / 5 min. / le 9 juillet 2021