Le refus de la loi sur le CO2 pourrait-il relancer la question du nucléaire en Suisse?
Le nucléaire pourrait être un allié contre le changement climatique. C'est l'avis de l'association pro-nucléaire Club Energie Suisse, pour laquelle la sortie des énergies fossiles nécessite de construire de nouvelles centrales, notamment pour alimenter voitures électriques et pompes à chaleur, qui ont besoin d'électricité.
C'est aussi l'avis de Hans-Ulrich Bigler, qui préside le Forum du nucléaire, principal lobby du secteur. "Si on veut réduire le CO2, il faut avancer avec l'électrification", estime-t-il. Et dans ce but, "il y a certainement les énergies renouvelables, mais il y a aussi l'énergie nucléaire", dit-il.
Aujourd'hui, quatre réacteurs fonctionnent encore. Hans-Ulrich Bigler veut prolonger leur durée de vie, qui est aujourd'hui de 50 ans. En outre, estime-t-il, "on est en train de développer de nouvelles technologies, des Small Modular Reactors qui ont plus de sécurité. Et ça peut vraiment changer le problème du climat".
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Déchets et sécurité, éternels obstacles
Mais le nucléaire "bon pour le climat" ne convainc pas tout le monde. Si le fonctionnement d'une centrale ne produit effectivement aucun CO2, l'extraction et l'enrichissement de l'uranium génèrent des émissions "grises" de gaz à effet de serre qui, même si elles sont très largement inférieures aux émissions des énergies fossiles, ne sont pas nulles pour autant.
Et surtout, il est impossible de faire abstraction des deux problématiques fondamentales posées par le nucléaire, soit la gestion des déchets et le risque lié aux accidents, estime Stéphane Genoud, professeur en management de l'énergie à la HES de Sierre.
"Qui est capable d'accepter en Suisse de stocker des déchets nucléaires hautement radioactifs ? Quelle commune est prête à les prendre chez eux?", se demande-t-il. Et sommes-nous prêts à prendre le risque de devoir évacuer complètement une ou plusieurs grandes villes suisses en cas d'accident majeur? "Je pense que si on n'a pas réglé ces deux conditions-là, on doit oublier le nucléaire", juge Stéphane Genoud.
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"Aucune raison de changer"
En 2017, dans le contexte à vif après l'accident de Fukushima, les arguments ont convaincu la majorité du peuple, qui a choisi d'interdire la construction de nouvelles centrales. La recherche sur le nucléaire reste autorisée.
Interrogée, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, qui a dévoilé il y a dix jours son nouveau projet de loi sur l'énergie, répète que les centrales actuelles "fonctionneront tant qu'elles sont sûres et que les exploitants maintiennent la sécurité". "Il n'y a aucune raison de changer quelque chose à cela", estime-t-elle.
Autrement dit, la date n'est pas ancrée dans la loi. Et, outre la sécurité, la question de la rentabilité intervient aussi. Par exemple, le réacteur de Mühleberg est arrêté depuis 2019 car l'entretien devenait trop coûteux pour son exploitant.
Consommer moins, une certitude pour l'avenir
Reste que le défi de sortir des énergies fossiles est énorme, rappelle l'ingénieur Stéphane Genoud. "Aujourd'hui, il faut clairement qu'on arrive à produire plus d'électricité en hiver. Évidemment, l'éolien est une piste. Je ne vois pas trop comment on va faire sans le gaz, à court terme", dit-il.
"En tout cas ce qui est sûr, c'est qu'on ne pourra certainement pas consommer autant que maintenant", rappelle l'expert.
Etienne Kocher/jop