Ces derniers jours, Twitter a vu naître de nombreux faux comptes aux noms de politiques ou de journalistes romands. Si la liste est longue, on peut notamment citer parmi les personnalités touchées la conseillère nationale verte Léonore Porchet, le PLR Christian Lüscher, ou encore le rédacteur en chef de l'actualité radio à la RTS, Laurent Caspary. Il s'agit à chaque fois de personnalités comptant une communauté relativement importante.
Ces faux comptes ne sont pas faciles à distinguer des vrais. Leurs noms utilisés sont en effet identiques, leurs pseudos ne différent que d'une lettre, et les imposteurs vont jusqu'à recopier certaines de leurs publications pour parfaire l'imitation.
Plusieurs objectifs
Mais à quoi peuvent bien servir ces faux comptes? "Il y a souvent plusieurs buts derrière", répond au micro de Forum ce lundi Juliette Ancelle, avocate spécialisée en droit des nouvelles technologies. "Mais en règle générale, c'est pour obtenir des avantages financiers, ou pour promouvoir des produits. Parfois, c'est aussi pour porter atteinte à la réputation de personnalités publiques."
Mais comme elle le souligne, le fait de prétendre être quelqu'un d'autre sur les réseaux sociaux n'est en soi pas une infraction pénale. Pour que cette usurpation d'identité soit punissable, il faut qu'elle s'accompagne d'une autre violation avérée, "comme le hacking, le vol, le non respect du droit d'auteur ou la diffamation", précise-t-elle, ajoutant que c'est souvent l'utilisation des photos qui permet de faire tomber un faux compte. "Car une photo est protégée par le droit d'auteur."
La situation changera en 2022 avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la protection des données. L’usurpation d’identité sera alors une infraction inscrite dans le code pénal.
Les personnes touchées peuvent faire savoir publiquement que l'autre compte est faux, mais c'est plus compliqué lorsqu'elles ne sont pas présentes sur les réseaux sociaux. C'est la mauvaise expérience qu'a par exemple connue Luca Loutenbach, ce supporter jurassien de la Nati dont le visage est devenu célèbre sur Internet suite au match de football qui a opposé la Suisse à la France.
S'il n'avait au départ pas de compte sur Instagram, quelqu'un s'en est vite chargé à sa place. Le faux compte a rapidement dépassé les quelque 10'000 followers, tentant notamment de leur vendre des bitcoins.
Difficile de reprendre le contrôle
Pour récupérer sa propre identité numérique, le vrai Luca Loutenbach a été contraint de créer un compte. Une tâche qui s'est révélée complexe, car toutes les vidéos et photos qu'il publiait étaient ensuite instantanément reprises par l'usurpateur.
Ce faux compte a finalement été désactivé dimanche suite aux dénonciations. Mais d'autres comptes subsistent. Luca Loutenbach a pour l'heure contacté un avocat, qui s'adressera directement aux plateformes concernées pour qu'elles transmettent une mise en demeure aux usurpateurs.
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"Souvent, ces plateformes ont dans leurs conditions l'interdiction de se faire passer pour quelqu'un d'autre, mais il faut le prouver, dénoncer, transmettre ses papiers d'identité... Ceci prend du temps et de l'énergie. Et de l'argent quand on prend un avocat", déclare Juliette Ancelle.
Quoi qu'il en soit, pour l'avocate spécialisée, il s'agit avant tout d'un phénomène lié à une soudaine visibilité, dont les gens ne sont souvent pas préparés. Elle conseille ainsi aux internautes de prendre conscience de leur présence numérique. "Quand ils sont sujets à un phénomène de visibilité, il faudrait qu'ils regardent si leur nom circule sur les réseaux sociaux pour agir rapidement."
Sujet radio: Anouk Pernet
Adaptation web: Fabien Grenon