Modifié

Le long chemin d'une startup vers des autoroutes solaires en Suisse

Des autoroutes recouvertes de panneaux photovoltaïques, le projet de la startup suisse EnergyPier (vidéo)
Des autoroutes recouvertes de panneaux photovoltaïques, le projet de la startup suisse EnergyPier (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 6 juillet 2021
Une startup suisse veut recouvrir les autoroutes de panneaux photovoltaïques capables de produire de l'électricité solaire et éolienne. Mais ses deux projets tests se heurtent aux embûches administratives, a appris la RTS.

EnergyPier veut construire deux centrales de démonstration, sur l'A9 à Fully (VS) et près de Zurich. Mais les difficultés sont si nombreuses que cette startup a décidé d'élaborer un livre blanc sur ce projet. Elle l'a envoyé notamment, la semaine dernière, à la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.

L'idée de s'appuyer sur les différents réseaux autoroutiers pour créer de l'énergie renouvelable a germé en 2009 déjà, avec d'autres atouts à la clef: ces centrales permettraient aussi de limiter le bruit de l'autoroute, de collecter l'eau de pluie ou de protéger les automobilistes de la chaleur et de la neige.

Un labyrinthe administratif sans fin

Mais depuis 2015, l'équipe d'EnergyPier ne fait que répondre aux mêmes questions, des autorités fédérales d'abord, puis cantonales et maintenant communales.

Elément de la structure prévue pour recouvrir l'autoroute. [EnergyPier - ServiPier AG]
Elément de la structure prévue pour recouvrir l'autoroute. [EnergyPier - ServiPier AG]

Son patron a évoqué cette lourdeur réglementaire lundi dans La Matinale de la RTS. "Dans une première phase, on s'est retrouvés face à la difficulté de la sécurité routière", a expliqué Laurent Jospin. "Une grande partie de notre R&D [recherche et développement, ndlr] a été de savoir comment on pouvait construire cette solution de manière optimisée sans jamais représenter ni une gêne ni un risque."

La petite société est entrée ensuite dans un deuxième type de difficulté. "C'est le fait qu'il n'y a pas de base légale pour une solution comme la nôtre", a poursuivi l'entrepreneur. "Elle n'est pas connue et on doit se trouver un chemin dans les lois existantes pour la faire admettre et l'inscrire dans un premier temps dans le plan des infrastructures, et ensuite de pouvoir demander un permis de construire".

Une innovation pas assez innovante

Le financement a également été un frein à cette idée d'autoroutes solaires. D'un côté, les investisseurs d'innovation pure et dure misent sur de fortes ruptures technologiques. Mais ce projet s'appuie avant tout sur des techniques connues et éprouvées et ils ont donc rechigné à sortir leur porte-monnaie. De l'autre côté, des investisseurs plus classiques ont jugé les risques trop grands.

Cette situation a pesé sur le moral de Laurent Jospin. "J'aime la sécurité suisse, mais lorsqu'il faudrait faire des exceptions on ne sait pas le faire", a constaté, dépité, le patron d'EnergyPier. "Et c'est pour ça qu'on a beaucoup de jeunes startups de chez nous qui se sont expatriées. Nous, on a fait le choix d'insister, de persévérer, de nous incruster. C'était dur, en toute franchise (…) C'était aux limites de ce qui était possible pour une petite équipe comme la nôtre".

Echanges avec les services valaisans

Une convention a été signée en août 2018 avec l’Office fédéral des routes (Ofrou) et le canton du Valais doit maintenant finaliser la mise à l’enquête publique de la centrale test prévue sur l'A9 à Fully.

Module complet avec le système pour l'énergie éolienne. [EnergyPier - ServiPier AG]
Module complet avec le système pour l'énergie éolienne. [EnergyPier - ServiPier AG]

"Ces dernières semaines, il y a eu des contacts entre l'initiateur de ce projet, le Service de l'énergie et le Service du développement territorial", a indiqué le conseiller d'Etat Christophe Darbellay. "Ils ont échangé sur le projet pour aider l'entrepreneur à améliorer son rapport explicatif de manière à être très solide dans les futures phases".

Mais le ministre cantonal de l'Economie n'a pas caché la lourdeur de la tâche: "Il y a encore passablement d'embûches sur le chemin de ce projet. Il faut encore passer par une mise à l'enquête, une modification d'une fiche du plan directeur cantonal. Sans doute que la Confédération, à un moment donné, va retrouver ce dossier. Mais il y a encore passablement d'étapes à franchir pour que ce projet puisse aboutir".

>> Interview de la députée verte au Grand Conseil valaisan Céline Dessimoz dans Forum :

Le projet de toit solaire pour autoroutes rencontre des difficultés administratives: interview de Céline Dessimoz
Le projet de toit solaire pour autoroutes rencontre des difficultés administratives: interview de Céline Dessimoz / Forum / 3 min. / le 6 juillet 2021

L'enthousiasme du côté de Fully

En attendant, les choses avancent sur le plan communal. Une première présentation a eu lieu mardi passé devant l'exécutif de Fully (VS), qui est séduit.

"Le Conseil communal donne son accord de principe pour ce projet innovant et je dirais même énergisant, qui pourrait voir le jour sur notre territoire communal", a confirmé sa présidente. "C'est une vraie vision pour notre commune, pour notre district, pour notre canton, voire pour notre pays, parce que ce projet est une première mondiale", s'est enthousiasmée Caroline Ançay-Roduit. "Je pense sincèrement que nous devons déployer tout ce qui est en notre pouvoir pour que ce projet puisse voir le jour en terres valaisannes".

Mais c'est une course contre-la-montre qui s'engage désormais, puisque les investisseurs s'impatientent. Et selon le patron d'EnergyPier, d'autres sites à l'étranger - au Maroc et en Afrique du Sud - sont dans les startingblocks pour concrétiser un test grandeur nature d'autoroute solaire.

En Suisse, la balle est désormais dans le camp des autorités fédérales.

Dominique Choffat/oang

Publié Modifié