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Une justice plus sévère pour les escroqueries aux crédits Covid?

Une justice plus dure pour les escroqueries aux crédits Covid? [KEYSTONE - Jean-Christophe Bott]
Une justice plus dure pour les escroqueries liées aux crédits covid? / La Matinale / 4 min. / le 30 juillet 2021
Des abus aux crédits Covid sont jugés toutes les semaines en Suisse. Près de 3900 cas sont actuellement examinés et environ 70 affaires ont déjà été jugées, parfois avec des peines très lourdes. Certains juristes dénoncent une justice Covid plus sévère.

Plusieurs cas interpellent. En particulier là où l’escroquerie et le faux dans les titres sont retenus. A Lugano, un commerçant et un dentiste italiens avaient empoché 1,5 million. Ils viennent d'être condamnés à respectivement quatre ans et trois ans et quatre mois de réclusion ainsi qu’à l’expulsion du territoire helvétique pendant huit ans.

Un juge de Dietikon est quant à lui allé au-delà de la peine requise par le Parquet pour un Suisse qui avait obtenu 80’000 francs d’aide d’urgence, en ajoutant une amende de plusieurs milliers de francs "pour que cela fasse mal", a insisté le juge.

Je pense que dans les affaires Covid, il y a une sorte de volonté de prononcer des peines exemplaires.

Michele Rusca, avocat

Dans le canton de Vaud, au mois de mai, une condamnation à douze mois de prison, dont six mois de prison ferme, a été prononcée pour un prêt indu de 95’000 francs accordé à un Turco-Suisse. A Zurich, un homme d’affaires autrichien a écopé de 36 mois, dont dix derrière les barreaux, pour l’obtention frauduleuse de 3,25 millions de francs. Et la liste s’allonge chaque jour.

"Peines exemplaires"

Faut-il en déduire qu’une sorte de "justice Covid" est véritablement en train de prendre place? Pour Michele Rusca, l'un des défenseurs des deux Italiens condamnés à Lugano, la volonté d'infliger des peines plus lourdes ne fait pas de doute dans ce contexte.

"Mon impression est que non seulement l’opinion publique, mais aussi les juristes et les tribunaux font en sorte que les peines Covid soient plus marquées, plus sévères que dans des escroqueries soi-disant normales. Je pense que dans les affaires Covid, il y a une sorte de volonté de prononcer des peines exemplaires", explique-t-il.

Facteurs déterminants

L'ancien procureur du Tessin et professeur Paolo Bernasconi va même plus loin. Selon lui, en filigrane de ces condamnations, il y aurait encore d’autres facteurs déterminants.

"C’est un peu la chasse organisée aussi des partis politiques. On recherche notamment les responsables sur le plan des étrangers qui viennent ici. Cela paraît tout à fait clair, on recherche un bouc émissaire et finalement on a pu identifier des personnes qui profitent. On demande alors des peines exemplaires qui sortent du cadre normal et le résultat est tel que même le Ministère public s’occupe presque exclusivement de ces casuistiques des affaires Covid", indique-t-il.

Dans ces cas de fraude au crédit Covid, on tiendra évidement compte du fait que l’auteur a profité sans scrupule d’un système solidaire.

Anton Rüsch, procureur

Pendant ce temps, l'ancien magistrat est persuadé que d’autres affaires, bien plus graves, restent en attente de jugement.

La même justice pour tous

Du côté des Ministères publics, la règle du silence prévaut, à quelques rares exceptions près. Le procureur Anton Rüsch, du Parquet du canton de Vaud, a lui-même instruit plusieurs affaires en lien avec cette matière. Pour lui, la justice est la même pour tout le monde.

"Dans ces cas de fraude au crédit Covid, on tiendra évidement compte du fait que l’auteur a profité sans scrupule d’un système solidaire, un système qui a été mis en place pour pallier les difficultés des entreprises et qui n’a pas été destiné à enrichir personnellement le demandeur du crédit ou sa société. Dans cette culpabilité, on pourra effectivement tenir compte du fait que l’auteur a triché sans vergogne, et qu’il a abusé de l’aide qui a été mise à disposition. En tenant compte de tous ces éléments, les peines peuvent être très sévères", souligne le procureur vaudois.

Reste à voir si les instances de recours seront sollicitées suite aux peines les plus lourdes et ce que dira peut-être, in fine, la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Nicole della Pietra/gma

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