Les stations météorologiques comme celle d'Engelberg (OW) mesurent une quantité d'eau inédite pour un mois de juillet depuis le début des mesures il y a 158 ans. Partout, les valeurs sont très élevées. A Neuchâtel par exemple, c'est le quatrième mois de juillet le plus pluvieux de l'histoire et le sixième à Bâle selon MétéoSuisse.
Les torrents et les lacs en crue ont endommagé des bâtiments et des infrastructures. L'agriculture a aussi été durement touchée. Cette humidité tranche avec les longues périodes de sécheresse que la Suisse a connues ces dernières années.
Rattraper "le déficit chronique de pluie"
Les météorologues expriment la sécheresse en bilan de précipitations et d'évapo-transpiration. En clair, ils observent si les pluies compensent l'eau "perdue" notamment par évaporation. "A Neuchâtel, si l'on observe les douze derniers mois, nous étions en déficit chronique de pluie. La période pluvieuse de 2021 a permis de rattraper ce déficit", explique Lionel Fontannaz de MétéoSuisse.
Cette eau se retrouve dans les sources. Celle de l'Areuse (NE), par exemple, présente un débit record trois fois plus élevé que la norme en juillet. Mais dans les roches karstiques de la chaîne jurassienne, en hiver, les débits sont bien plus importants. L'effet de "rattrapage" après les sécheresses est donc relatif.
Si l’hiver prochain est peu humide, on sera content d’avoir eu un été pluvieux, mais les hivers sont rarement peu humides!
"Pour des systèmes hydriques comme celui de l'Areuse, il y a assez peu d'effet cumulatif. Si l'hiver prochain est peu humide, on sera content d'avoir eu un été pluvieux, mais les hivers sont rarement peu humides", précise Pierre-Yves Jeannin, directeur de l'Institut Suisse de Spéléologie et Karstologie. L'effet sera plus marqué sur le Plateau suisse, explique le spécialiste, car les systèmes hydriques se remplissent et se vident plus lentement. Dans certaines stations de mesures comme celle de Niederbipp (BE), on observe des diminutions des réserves en eau qui se cumulent sur plusieurs années (entre 2008 et 2011 ou encore entre 2017 et 2020).
Une aubaine pour les forêts
L'autre bénéficiaire des précipitations est la forêt. En 2020, les autorités tiraient la sonnette d'alarme. Dans les cantons de l'arc jurassien, les forêts de hêtres notamment dépérissaient. "Cette année, c'est génial pour la forêt. Les arbres reprennent", se réjouit Nicolas Joss, un ingénieur forestier à Neuchâtel. Les parasites comme les bostryches sont également en retrait. La durée de ce répit dépendra toutefois de la météo d'août et septembre.
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Reportage TV: Laurent Dufour
Adaptation web: aps
La fonte estivale des glaciers est ralentie
Les scientifiques se demandent si l'été frais et humide va permettre aux glaciers de ralentir leur fonte. Le bilan sera fait en octobre. Pour l'instant, dans les Grisons, le volume du glacier de Silvretta semble évoluer dans la moyenne des années 2010-2020. Dans les Alpes bernoises et valaisannes, la situation est plus favorable. Le glacier de la Plaine Morte, par exemple, est encore protégé par 40 à 60 cm de neige. En 2017, 2018 et 2020, cette couche avait totalement disparu dans le courant du mois de juillet.
Rebecca Gugerli, glaciologue à l’Université de Fribourg, étudie la Plaine Morte depuis maintenant 5 ans. Elle explique que ce printemps a été "plus froid que la moyenne, avec d’abondantes précipitations en mai. La hauteur de neige est remontée à 5 mètres en mai, ce qui est bien supérieur à la norme. Depuis, la neige a fondu, mais moins vite que d’autres années". La suite de la saison glaciaire dépendra de la météo d’août et septembre, mais aussi de l’état de la neige et du glacier. Plus ils sont blancs, moins la fonte est rapide. Cette année, en plus de gravats, le sable du Sahara tombé en tempête en février dernier réapparaît cet été, et pourrait précipiter la fonte ces prochaines semaines.