"La langue est chevillée à une identité. Elle ne peut être rectifiée par la simple décision idéologique de huit personnes". Les termes contenus dans la pétition sont sans ambiguïté. La réforme adoptée le 9 juin dernier par les directeurs cantonaux de l'instruction publique n'a pas lieu d'être et doit être abrogée.
"Si on peut rectifier l'orthographe par une simple décision arbitraire de quelques politiques locaux qui n'ont aucune autorité pour le faire, comment par la suite expliquer aux jeunes que l'orthographe est importante? Je suis complètement éberlué que les gens qui sont justement en charge de l'enseignement dans les divers cantons puissent imaginer qu'on puisse pareillement se moquer de l'orthographe", juge Jean Romain, philosophe, député PLR genevois et initiateur du texte.
"Ni un langage SMS, ni de la phonétique"
La réforme de l'orthographe date d'il y a près de 30 ans. Elle permet de simplifier quelques mots, comme oignon, ou de retirer des circonflexes. Le langage épicène a depuis également fait son apparition. Des changements qui n'ont pas fait que des heureux. Le PLR a en effet uni ses forces dès le mois de juin dans les cantons romands pour s'opposer à ce projet et la pétition arrive donc dans un contexte déjà tendu.
Pas de quoi, cependant, faire plier le président de la Conférence intercantonale de l'instruction publique, le Fribourgeois Jean-Pierre Siggen:
"Ce n'est ni un langage SMS, ni de la phonétique, c'est simplement un peu plus de cohérence, un petit peu moins d'exceptions de notre langue et c'est bien aussi ce qu'a pensé, accepté et validé l'Académie française, qui ne sont pas des va-t-en-guerre en matière d'orthographe et de langue", explique-t-il.
"Je peux comprendre ce mouvement-là"
Invité de La Matinale mercredi, Jean-François Lovey, délégué à la formation du canton du Valais et qui a présidé le groupe de travail sur cette nouvelle orthographe, dit comprendre les oppositions: "Chacun, après avoir fait l'effort de maîtriser plus ou moins l'orthographe, se sent porteur de sa défense, officielle ou non. Lorsqu'on a fait un parcours scolaire et qu'on pense avoir maîtrisé les embûches de la langue, on pense qu'il n'est pas juste de l'alléger ou de la modifier. Je peux comprendre ce mouvement-là. J'ai fait des efforts pour comprendre et apprendre à écrire d'une manière considérée comme correcte, pourquoi ceux et celles qui viendraient derrière moi, en particulier mes enfants, le feraient à moindre frais et à moindre effort?"
Pourtant, celui qui est aussi écrivain réfute l'idée d'une simplification du langage. "Cette orthographe, qui reste délicate et compliquée, n'est pas simplifiée, elle est rectifiée (...) pour des élèves de langue maternelle et de culture étrangère, l'apprentissage de cette langue est complexifié non pas par la langue elle-même, mais par certaines incohérences, certaines irrégularités ou certaines difficultés dont on peut faire l'économie", détaille-t-il.
Quoi qu'il en soit, le débat devrait se poursuivre jusqu'en 2023. Les pétitionnaires ne comptent en effet pas en rester-là et d'autres actions pourraient voir le jour si la réforme est maintenue.
Sujet radio: Raphaël Leroy
Adaptation web: Tristan Hertig