L'initiative populaire "Pour un climat sain (initiative pour les glaciers)" exige une réduction des émissions de gaz à effet de serre à zéro d'ici 2050. Plus aucun carburant ou combustible fossile (huile, gaz, essence ou diesel) ne devra être mis en circulation en Suisse à partir de cette date. Des exceptions ne sont envisageables que s'il n'existe pas d’alternative technique.
Le Conseil fédéral poursuit le même objectif de réduction à zéro des émissions des gaz à effet de serre d'ici 2050 que les initiants. Il s'était fixé ce but en 2019 déjà et l'a confirmé en début d'année dans sa stratégie climatique à long terme, rappelle-t-il. Mais pour lui, l'initiative va trop loin. Il propose donc au Parlement de la rejeter au profit de son contre-projet direct.
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Pas d'interdiction générale
Dans son projet, le Conseil fédéral ne prévoit pas d'interdiction générale des agents énergétiques fossiles, mais une obligation de réduire leur consommation. Il veut ainsi prendre en compte la situation particulière des régions de montagne et des régions périphériques, généralement moins bien desservies en transports publics que les zones urbaines.
Des exceptions à l'interdiction des carburants et autres combustibles fossiles doivent être possibles notamment pour l’armée, la police et les services de secours, ainsi que pour tous si les technologies de substitution ne sont pas supportables sur les plans économique ou social ou si elles ne sont pas disponibles en quantité suffisante.
Une réduction des émissions de gaz à effet de serre passe par une diminution de l'utilisation des énergies fossiles, mais il reste des domaines où il n'y a pas d'alternatives et où il est difficile d'agir, a résumé la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.
Compenser les émissions à l'étranger?
En Suisse, le potentiel de stockage durable du CO2 dans des puits, comme les forêts, les sols ou les gisements géologiques, est limité en raison de conditions techniques, économiques, écologiques et sociales. Le contre-projet laisse donc ouverte la question de savoir si les émissions issues d'énergies fossiles qui resteront en 2050 seront compensées par des puits de carbone en Suisse, ou bien à l’étranger.
Pour le Conseil fédéral, la récente votation sur la Loi CO2 a en outre montré qu'il ne faut pas punir, mais offrir à tous une vie compatible avec les besoins climatiques.
L'initiative populaire pour les glaciers a été déposée en novembre 2019 munie de 112'296 signatures récoltées en sept mois. Elle a été lancée par l'Association suisse pour la protection du climat.
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ats/iar
Contre-projet critiqué pour son manque d'ambition
Le rejet par le Conseil fédéral de l'initiative sur les glaciers et sa proposition de contre-projet direct ne sont pas du goût de tous les partis et organisations. La plupart attendaient des mesures plus concrètes et davantage d'ambition.
Les initiants, qui jugent l'élimination progressive des combustibles fossiles plus urgente que jamais, lisent dans le contre-projet que le gouvernement n'en veut pas, invoquant la viabilité économique. Un approvisionnement essentiellement national en énergie crée pourtant de la valeur ajoutée et des emplois en Suisse, notent-ils.
"Une contradiction dans ce contre-projet"
"Le Conseil fédéral reconnaît l'urgence climatique mais s'arrête là", regrettent les Verts. "Je pense qu'il y a une contradiction dans ce contre-projet, car vouloir réellement la neutralité carbone en 2050, c'est interdire les énergies fossiles pour 2050", estime ainsi la climatologue et conseillère nationale verte Valentine Python, qui ajoute qu'il faudrait atteindre une neutralité carbone en 2040 déjà. "On a fait les projections, on sait que c'est possible."
La Verte voit d'un bon oeil l'introduction d'exceptions pour certaines régions, plus durement touchées par le réchauffement climatique. Elle juge toutefois le contre-projet insuffisant. "Ce qui a été présenté par le Conseil fédéral est pratiquement mot pour mot ce qui avait été présenté en septembre 2020."
Pour le PS aussi, le rejet de l'initiative sur les glaciers par le Conseil fédéral est "regrettable" et "son contre-projet direct sans interdiction fondamentale des énergies fossiles à partir de 2050 insuffisant". Le parti propose de convertir celui-ci en une nouvelle révision partielle de la loi sur le CO2, après celle rejetée par le peuple en juin, "avec une orientation claire pour gagner du temps". De leur côté, les partis de droite critiquent également ce manque de concret.
La Fondation Suisse de l'Energie (SES) accuse le Conseil fédéral de "léthargie dans la politique climatique suisse". Les prochaines années sont cruciales pour l'évolution du climat, écrit-elle. Sans l'interdiction des combustibles fossiles, ou des mesures concrètes pour que la Suisse se passe de l'essence et du mazout, "l'objectif climatique ne sera plus qu'un voeu pieux".
Seule à prendre le contrepied des autres partis, l'UDC n'en est pas moins critique envers le contre-projet, beaucoup trop proche de l'"initiative extrême" sur les glaciers. Il n'est pas non plus fait mention des coûts pour les ménages et les entreprises. Avec ce contre-projet, la ministre de l'environnement Simonetta Sommaruga ignore par ailleurs le "non" du peuple à la nouvelle loi sur le CO2.