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Les mères et l'allaitement, entre pression et injonctions contradictoires

Une mère allaite son enfant, durant une flash mob en septembre 2014 à Lausanne. [Keystone - Laurent Gillieron]
Allaitement, injonction paradoxale / La Matinale / 5 min. / le 17 août 2021
L'allaitement est un sujet épineux, plein d'injonctions contradictoires. Les mères se sentent souvent sous pression pour donner le sein à leur bébé. Pourtant, lorsqu'il s'agit d'allaiter dans l'espace public, l'affaire devient taboue.

Le mois dernier, une femme qui allaitait sa fille sur un banc de Disneyland Paris a été priée de partir ou de se couvrir pour ne pas "gêner les autres clients".

Marlène Schiappa, la ministre française déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, a envoyé un tweet à destination du célèbre parc d’attractions français:

Des mères qui culpabilisent

Certaines mères culpabilisent parce qu'elles n'allaitent pas ou pas assez longtemps. D'autres se gênent d'allaiter dans l'espace public car cela peut susciter des remarques ou des regards malveillants. Agnes Molnár, mère d’une petite fille de 2 ans qu'elle a allaitée en cours, pense que ces remarques ou regards viennent d'une volonté de remettre "les femmes à leur place".

"L’allaitement, c’est un truc qu’il faut cacher, il faut cacher ses seins", explique-t-elle. Elle a décidé de s'écouter en allaitant dans l'espace public "parce que comme ça je peux être libre d’être maman et de faire ce que j’ai envie de faire".

Il y a également le tabou qui entoure parfois le choix de ne pas allaiter, ou l'impossibilité de le faire. C'est ce qu'explique une autre mère de trois enfants qui a vécu une situation difficile à la maternité, avec son premier bébé, il y a 9 ans.

"Je n’étais pas vraiment pour allaiter. J’ai voulu essayer, et puis on m’a un petit peu forcé la main", raconte-t-elle. Quand elle parlait aux sages-femmes du biberon, elles l’orientaient "tout de suite sur l’allaitement et les bienfaits pour le bébé".

Cette mère a l'impression de ne pas avoir eu le choix, "surtout qu’on ne sait pas trop quoi répondre, on est toute seule face à la sage-femme, on est fatiguée, on a toutes les émotions un peu en ébullition, on ne sait pas trop comment faire avec ce premier bébé".

>> Ecouter l'interview d'Alix Heiniger sur l'injonction à l'allaitement dans Forum :

Vignette "Le lait maternel n’est pas à vendre" [RTS]RTS
Forum des idées - L’injonction à l’allaitement / Forum / 6 min. / le 16 août 2021

La faute au personnel soignant ?

Une dizaine de maternités ont été contactées et toutes disent "favoriser l'allaitement avec différentes mesures". Elles affirment que la pression ressentie par ces femmes "ne vient pas du personnel soignant mais plutôt de l'entourage".

La plupart de ces lieux de naissance ont ou avaient le label de l'Unicef "Hôpital ami des bébés". L'un des critères du label est de favoriser activement l'allaitement et "ses bienfaits pour la santé du bébé". Mais le label est coûteux et contraignant en termes de récolte des données chez la patiente. C'est pourquoi beaucoup de maternités l'ont abandonné.

Pour Maxime Haubry, responsable des sages-femmes du Réseau hospitalier neuchâtelois, un label peut poser problème. Il se demande "si l'objectif est d’avoir des femmes qui allaitent, est-ce que leur désir est respecté? Et s'il y a une pression sur les équipes soignantes pour promouvoir l’allaitement, est-ce que ça se transmet sur les femmes?".

Pauline Rappaz/aps

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