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Des vins suisses jouent la carte du sucre pour séduire les consommateurs

Des vins suisses jouent la carte du sucre pour séduire les consommateurs. [Keystone - Sergei Ilnitsky]
Des vins suisses jouent la carte du sucre pour séduire les consommateurs / La Matinale / 4 min. / le 20 août 2021
Des vins plus sucrés commencent à garnir les étalages en Suisse. Cette tendance controversée gagne de l'ampleur et plusieurs initiatives ont été lancées, notamment en Valais et dans le canton de Vaud.

Depuis cet été, des bars valaisans vendent un assemblage de quatre cépages blancs, mélangés à un sirop de pomme et servis avec des glaçons.

L'objectif est de surfer sur le succès du spritz, le cocktail italien assez éloigné du vin traditionnel, qui se doit d'être sec. Les créateurs de cet alcopop valaisan en ont d'ailleurs conscience: ils ont nommé "Sacrilège" leur liquide vert, fluo et sucré.

Les quatre amis qui commercialisent les 7500 litres du nouvel alcopop valaisan gardent le secret sur l'identité de la cave. Leurs fournisseurs redoutent un dégât d'image, pour avoir touché à la recette traditionnelle.

"Plus faciles à boire"

Tous les acteurs de la branche ne partagent pas ces craintes. A Sion, la Maison Gilliard propose une gamme de vins plus sucrés que la moyenne. Cette gamme fait un carton depuis des années et vient d'être suivie de deux nouveaux produits, jouant encore plus la carte du sucre. Le directeur Grégory Dubuis assume.

"On remarque que les vins sont beaucoup plus faciles à boire, plus ronds, plus moelleux, avec un petit peu de sucre résiduel à l'intérieur. C'est comme dans toutes les boissons du marché. Certaines personnes préfèrent des vins un peu plus sucrés, d'autres personnes vont rechercher des choses plus charpentées, avec de l'acidité. C'est à nous de développer des nouveaux produits et voir s'ils vont marcher. Peut-être qu'un jour on aura un prosecco suisse qui cartonnera autant que le prosecco italien", imagine le spécialiste.

La recette gagnante, c'est d'utiliser notre patrimoine de cépages.

Claude Crittin

Pari sur le vin rouge

Un prosecco suisse n'a toutefois pas beaucoup de chance de voir le jour. La filière vinicole ne se dirige pas forcément vers des effervescents blancs, puisque les blancs suisses se portent bien.

Le président de la faîtière des encaveurs suisses, Claude Crittin, s'attend en revanche à ce que les vins rouges s'inspirent des crus italiens.

"On s'aperçoit qu'on perd des parts de marché sur les vins rouges italiens. Ce sont eux qui progressent principalement. On a parfois à apprendre de nos concurrents. La recette gagnante, c'est d'utiliser notre patrimoine de cépage. On a la chance d'avoir des cépages très différents. Le Merlot est un vin du Tessin très fruité qui, en assemblage, peut amener dans beaucoup de vins ce côté sympathique et rond que les gens apprécient", explique Claude Crittin.

Sortir de la crise

En annonçant ne plus chasser le sucre du vin, les encaveurs suisses brisent un tabou. Pendant longtemps, les producteurs ont multiplié les synonymes pour ne pas prononcer le mot interdit.

Aujourd'hui, la faîtière des encaveurs l'admet: accentuer le goût du sucre présent naturellement dans le raisin pourrait aider le vin suisse à sortir de sa crise. Si ce pari marche avec du vin importé, pourquoi continuer à s'en priver avec nos crus?, se disent certaines caves suisses.

Romain Carrupt/gma

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Problème de communication

Plus de 60 caves vaudoises lanceront le mois prochain l'Escargot Rouge, un vin plus sucré que la norme.

Mais cette démarche n'est pas sans risque, selon Pascale Deneulin, professeure d'analyse sensorielle à l'école d'œnologie de Changins. Pour elle, les vins sucrés pourraient lasser et leur communication pose un problème plus profond.

"On ne sait pas trop sur quoi les nouvelles générations vont se diriger. Toutes les études tendent à dire que la nouvelle génération est la première à baisser sa consommation de sucre. Il faut faire attention d'un point de vue de la communication. Selon moi, une erreur monumentale a été faite avec l'Escargot Rouge. Ils ont annoncé qu'il y avait du sucre. Il ne fallait surtout pas le dire. Si le consommateur est au courant, il ne voudra pas de ce vin, parce que c'est mauvais pour la santé, parce que ce n'est plus du tout à la mode."

Tabler sur des goûts plus sucrés, mais ne surtout pas le dire: voilà peut-être la recette pour améliorer la cote des vins rouges. C'est en tous les cas ce vers quoi les professionnels suisses semblent se diriger.