La mort périnatale est la perte d’un enfant en cours de grossesse, à la naissance ou durant les sept premiers jours de vie. Douloureusement taboue, elle reste pourtant un drame relativement fréquent en Suisse : selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, le taux de mortalité périnatale s’élevait à 6,3 cas sur 1000 naissances en 2019.
Le manque d’accompagnement sur le deuil périnatal touche de nombreux parents durant cette terrible période. Une épreuve vécue par Aurélie et Quentin Pasqualino, qui ont perdu leur enfant Noé il y a trois ans.
Leur vie bascule lorsque Aurélie est enceinte de 5 mois et demi : leur bébé souffre de graves malformations et il faut procéder à une interruption médicale de grossesse. La prise en charge s'arrête à la sortie de la maternité. Le couple se retrouve désespérément seul et se heurte au tabou du deuil périnatal.
"Ne plus exister"
Le couple a décidé de témoigner afin de briser le silence entourant cette perte. "On rentre à la maison avec un ventre gros et vide. On n’existe plus. On n'en parle plus. C'est fini vous n'avez plus de bébé. J’ai eu l'impression d'être reniée en tant que maman par la société", confie Aurélie.
Le deuil périnatal présente cette particularité qui le différencie des autres deuils: la difficulté à être reconnu. La souffrance engendrée par la perte brutale d’un tout-petit est souvent d’une très grande intensité pour les parents. Cependant, elle demeure encore parfois minimisée par l’entourage et la société en général.
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Pour Aurélie, le manque d’informations se fait aussi cruellement ressentir. " Il y a toutes ces questions sur l’autopsie, l’incinération… Par exemple si le bébé pèse moins de 400 grammes, il n’est pas reconnu civilement... Quand j’ai demandé ce qui allait arriver au corps de mon fils, on m’a répondu qu’il allait être brûlé avec les déchets organiques du jour. J’ai répondu que c’était hors de question et que mon fils n'était pas un déchet", témoigne la maman douloureusement. Quentin ajoute: "En tant que papa, on est rapidement mis à l'écart. Après l'accouchement, j'aurais dû rentrer chez moi. Il n’y avait pas de place, pas de lit disponible à l’hôpital".
Surmonter l’épreuve
Aurélie contacte alors d'autres mamans qui ont vécu la même épreuve. Ensemble, elles créent l'association Naîtr'Etoile en 2019 pour répondre aux besoins des parents endeuillés. Une démarche qui s’accompagne d’une volonté d’apporter les informations et l’aide qui leur avaient manqué.
Une façon pour Aurélie Schöpfer, l’une des cofondatrices, de libérer la parole après avoir souffert du silence autour du décès de sa fille, à 18 semaines de grossesse. "C'est là qu'on se rend compte qu’on est vite seul, que l’on a des besoins que notre entourage peine à comprendre". Elle poursuit : "Avec les autres mamans on a eu besoin de mettre en place un rituel qui nous a permis de passer à autre chose, de pouvoir construire un nouveau quotidien autour de ce deuil".
Parcours du combattant
Un deuil qui s'est transformé en combat pour Isabelle Kundermann. Son assurance a refusé de prendre en charge les frais liés à son interruption médicale de grossesse. Elle a fini par obtenir gain de cause après un an et demi de procédure judiciaire. Et continue à se battre au sein de Naîtr’Etoile pour que d'autres n'aient pas à subir cette double peine.
"On ne va pas bien et on n'a pas envie de se battre. On se dit qu’on n’a pas envie de faire de vague, alors qu’on a le droit d’être pris en charge, que notre bébé soit vivant ou mort", souligne Isabelle.
Sur leur site, de nombreux conseils permettent aux parents de s’informer correctement sur leurs droits, le remboursement de certaines procédures ou le congé maternité.
L’association propose aussi de former des doulas, des personnes qui apportent soutien et accompagnement moral et pratique. En accompagnant des couples pendant la grossesse, elles risquent d'être confrontées au décès du bébé. Aurélie les prépare à soutenir et aider les parents qui traversent cette épreuve.
Au sein de Naîtr'Etoile, Aurélie Pasqualino tente d'apporter à tous ceux qui en ont besoin ce qui lui a manqué pendant son deuil périnatal: reconnaissance et solidarité.
"La clé est d'être entendu et savoir écouter pour mieux vivre ce traumatisme. Du moment où la société arrivera à faire ça, il y aura un grand pas de fait sur la mort et le deuil périnatal", conclut-elle.
Sujet TV : Fanny Moille
Adaptation web : Sarah Jelassi