La population afghane se trouve actuellement dans une situation d’urgence humanitaire. En raison de l’effondrement économique qui menace, de la sécheresse persistante et de la famine, le nombre de personnes tributaires de l’aide humanitaire va encore augmenter.
Aide sur place depuis 2002
Fort de ce constat, le gouvernement a annoncé qu’il consacrera 33 millions supplémentaires, soit au total près de 60 millions de francs, à l’aide à la population en détresse. Une somme qui s'ajoute aux quelque 27 millions de francs que Berne verse à l'Afghanistan chaque année depuis près de vingt ans, comme l'a expliqué le conseiller fédéral Ignazio Cassis dans Forum mercredi soir.
"Il faut dire que la Suisse soutient la lutte contre la pauvreté en Afghanistan depuis 2002 avec un bureau de coopération sur place", souligne le chef du Département des affaires étrangères. "Deux tiers, soit 19 millions, sont dédiés à l’aide au développement et un tiers, soit 9 millions, à l’aide humanitaire. Aujourd’hui, on a décidé d’ajouter encore 33 millions uniquement pour faire face à la détresse des gens sur place suite à la suite de la prise du pouvoir par les talibans."
Le Département fédéral des affaires étrangères versera une contribution propre de 10 millions de francs, prélevée sur des crédits existants. Les 23 millions restants revêtent la forme d’un crédit supplémentaire, que le Parlement devra approuver.
Argent versé à des projets et partenaires locaux
Ignazio Cassis l'assure: aucune chance que cet argent ne finisse dans les mains des talibans. "Cet argent n’est pas destiné au régime", insiste-t-il. "Il est versé à des projets et des partenaires locaux que nous connaissons. Nous contrôlons donc bien où l’argent va aller."
Pour lui, après avoir accueilli ces deux dernières semaines près de 400 Afghans, surtout des collaborateurs de la représentation suisse à Kaboul avec leur famille, la Suisse remplit pleinement sa mission, et ne peut pas en faire plus pour l'instant. Et pour la suite? "Il faut imaginer des solutions durables sur place avec un soutien et un engagement international coordonné", soutient-il.
Et pense-t-il que les talibans sont des partenaires possibles de dialogue pour la diplomatie suisse? "Il faudra observer ce qu’il se passe avec une grande attention et être prêt si la situation se péjore. Pour l’instant, il y a une situation relativement calme, mais personne ne peut prédire la suite", conclut le chef du Département des affaires étrangères.
A l'issue d'une visite de quatre jours en Afghanistan, le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Peter Maurer, a dit mercredi avoir rencontré les plus hauts dirigeants talibans. Avec des discussions qualifiées de positives, et une vraie volonté de dialogue, a-t-il affirmé. Toutefois, les besoins urgents en assistance humanitaire restent immenses sur le terrain, et ils s'intensifient.
Propos recueillis par Mehmet Gultas
Adaptation web: Fabien Grenon
Le gouvernement taliban accueilli avec suspicion par les Occidentaux
Les Occidentaux ont réagi négativement mercredi à la composition du gouvernement intérimaire afghan, qui comprend la vieille garde talibane mais aucune femme, et tranche avec les promesses d'ouverture du régime. Sans compter que plusieurs des nouveaux ministres figurent sur des listes de sanction de l'ONU. Quatre sont passés par la prison américaine de Guantanamo.
L'UE a rappelé qu'avoir un gouvernement "inclusif et représentatif" était "l'une des cinq conditions posées" en vue d'une éventuelle reconnaissance diplomatique. La France a aussi déploré que "les actes ne suivent pas les paroles".
Les États-Unis, eux, ont relevé l'absence de femmes et se sont dits "préoccupés" par "les affiliations et les antécédents de certains de ces individus", même s'ils jugeront "sur (les) actes".
La Chine, l'un des rares pays à maintenir son ambassade ouverte à Kaboul, a pour sa part salué la mise sur pied d'un gouvernement qui met fin "à plus de trois semaines d'anarchie".