Depuis l'abandon de l'accord-cadre, la Suisse est considérée depuis le mois de juillet comme un pays tiers non associé pour la participation au programme de recherche et d'innovation de l'Union européenne "Horizon Europe", ainsi qu'aux programmes qui y sont liés.
Ce statut permet aux chercheurs et chercheuses des universités suisses de participer à la plupart des projets collaboratifs, soit environ deux tiers du programme. Ils et elles restent toutefois exclues des appels à propositions pour des projets individuels, et ne peuvent pas postuler pour les bourses prestigieuses du Conseil européen de la recherche et du Conseil européen de l'innovation.
Négociations impossibles actuellement
Les mesures transitoires doivent pallier l'impossibilité de participer aux mises au concours 2021 des bourses "advanced grants" du Conseil de la recherche et des "postdoctoral fellowships Marie Curie".
Ces mesures s'appliqueront aussi aux "Starting Grants" et aux "Consolidator Grants" de 2022, si les équipes de recherche helvétiques ne sont pas autorisées à déposer des propositions de projet lors des appels correspondants.
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Berne aspire à une pleine participation à l'ensemble du paquet Horizon avec le statut d'Etat associé. L'UE continue à examiner l'association de la Suisse dans le contexte global des relations entre la Suisse et l'UE. Les négociations ne sont cependant pas possibles pour l'instant.
Financement au cas par cas
En décembre dernier, le Parlement a adopté un montant de 6,15 milliards à cette fin. Il couvre les contributions obligatoires présumées, ainsi qu'une réserve au cas où les contributions obligatoires seraient supérieures aux estimations. Le projet retournera aux mains du Parlement lors de la session d'hiver.
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Si une pleine association se révélait provisoirement ou durablement impossible, les crédits d'engagement pourraient être utilisés pour financer au cas par cas les partenaires suisses dans des projets européens.
Le programme "Horizon Europe" s'étend de 2021 à 2027. Il est doté d'un budget global d'un peu plus de 95 milliards d'euros, ce qui en fait le programme de recherche et d'innovation le mieux doté au monde.
Mesures transitoires
Guy Parmelin, interviewé par l'émission Forum, explique que le Conseil fédéral a décidé ce vendredi des mesures transitoires: "Il prélève sur le budget de la tranche financière 2021, et éventuellement 2022, des moyens financiersqui étaient décidées pour le programme Horizon, et il prend ces fonds pour les redistribuer et pour financer immédiatement et directement des programmes qui ne sont pas accessibles".
Cette somme est de 290 millions et ce ne sont pas des moyens supplémentaires: "Ils sont simplement pris sur ce budget pour venir en aide immédiatement et donner une certaine stabilité à nos chercheuses et nos chercheurs", affirme le président de la Confédération (lire encadré).
En attendant, il est regrettable que des équipes suisses ne puissent pas prendre la direction sur de grands projets de recherche européens: "C'est regrettable. A terme, je pense que c'est tout le continent européen – pas seulement l'Union européenne – qui sera pénalisé si la situation perdure, puisque dans certains secteurs nous avons une compétition avec l'Asie, la Chine, mais aussi l'Amérique du Nord. Je pense que l'Europe sera prétéritée si la situation dure", prévient-il.
Guy Parmelin estime qu'il est important qu'un déblocage de la situation ait lieu courant 2022, mais que la Suisse allait aussi explorer d'autres alternatives "si le blocage devait perdurer": "Sur le plan international, avec d'autres pays qui sont intéressés aux capacités et à l'aspect très innovatif en matière de nouvelles technologies de notre pays. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le président Biden, à Genève sur le sujet, et il m'avait demandé de voir s'il y avait une possibilité de travailler encore mieux au niveau de nos Hautes écoles qui, d'après lui, sont au top de la technologie".
Toutefois, "une adhésion au programme Horizon reste l'objectif de la Suisse", souligne le président.
ats/jop/sjaq
Il est important de participer à Horizon, pour la rectrice de l'Université de Fribourg
Astrid Epiney, rectrice de l'Université de Fribourg et spécialiste des questions européennes, se dit très contente des mesures prises par le Conseil fédéral pour financer des projets individuels, car chercheuses et chercheurs étaient dans l'insécurité depuis le 26 mai.
Toutefois, elle précise au micro de RTSinfo: "Ce plan B ne pourra jamais remplacer une vraie association au programme Horizon", car lorsque des équipes de recherches proposent des projets, elles sont en concurrence au sein même d'Horizon avec les autres groupes du continent: "C'est important de participer à cet ensemble de l'espace de la recherche européenne. Par ailleurs, Horizon permet des collaborations entre les différentes institutions".
Pour elle, il existe un grand risque si l'incertitude sur une pleine adhésion perdure: "Il y aura une perte d'attractivité pour nos chercheurs et chercheuses".
Se tourner vers les Etats-Unis si l'Europe ne veut pas collaborer avec la Suisse n'est pas forcément une solution pour Astrid Epiney: "Nos universités et nos écoles polytechniques ont déjà des contacts étroits avec des institutions aux Etats-Unis et en Asie, mais il ne faut pas se leurrer: nous nous trouvons en Europe et les contacts les plus intensifs se font tout naturellement avec nos voisins."