"Je me demandais comment me réorienter dans ma carrière, après avoir fait des études en bio-ingénierie. Avec la crise du Covid, je me suis aperçue qu'il est essentiel d'aller vers des problèmes de société et [des formations] qui peuvent aider dans la société". Sophie Crettaz fait partie des nombreuses personnes qui se sont formées en santé publique à la suite de la pandémie de Covid-19.
Son diplôme en poche, la jeune femme a trouvé un emploi dans une fondation active dans le développement et la distribution de tests diagnostiques pour lutter contre les maladies touchant les populations les plus pauvres du monde. "Comme toutes les personnes qui ont vécu cette pandémie, cela a changé notre façon de vivre et de voir la société. On s'est rendu compte qu'on était dans une société assez individualiste. La pandémie nous remet peut-être à une autre échelle, où l'on se rend compte qu'on est entouré de plein de personnes. Et les problèmes de santé vont vraiment avoir un impact sur tout le monde", raconte-t-elle.
Plus qu'un effet de mode
Sophie Crettaz n'est pas la seule à avoir vu naître une vocation à la suite de la pandémie. Ces derniers mois, les études de santé publique rencontrent un succès incroyable.
"Nous avons constaté un doublement du nombre de nos étudiants par rapport aux années précédentes inscrits au Certificate of Advanced Studies (CAS) en santé publique", confirme Murielle Bochud, Cheffe du Département épidémiologie et systèmes de santé d'Unisanté.
Même constat à l'Institut tropical de santé publique suisse (Swiss TPH) à Bâle. Le master en épidémiologie a également vu ses effectifs doubler cette année. Pour Christian Lengeler, chef de département, cet engouement devrait perdurer: "Il y a deux ans, si vous demandiez à quelqu'un ce qu'est un épidémiologiste, il n'aurait eu aucune idée. Maintenant, tout le monde sait ce que c'est. Cette connaissance-là et l'intérêt que cela a pu susciter vont perdurer, c'est sûr".
Agir en amont
Patsy Savard est infirmière en santé scolaire à la Haute école de santé (HES) SO Valais. Au début de la pandémie, elle s'est retrouvée obligée d'établir des statistiques des cas de Covid: "Je faisais un peu le relais de tout ce qui relevait du tracing. C'étaient des notions que je n'avais jamais touchées auparavant".
La jeune femme se forme alors en santé publique, dans une formation postgrade pour les infirmiers. "C'était une plus-value et c'était très intéressant, parce que concrètement, il se passait quelque chose. Une pandémie, c'est assez rare!"
Son diplôme lui a permis d'élargir son pourcentage à la HES pour traiter toutes les questions de santé publique. "Désormais, j'agis beaucoup plus en amont, dans des programmes de prévention, pour gérer notamment le stress des étudiants, ou encore des programmes de prévention du suicide chez les jeunes", explique Patsy Savard.
Contenu adapté à la pandémie
Les instituts de formation ont dû adapter le contenu de leur cours en donnant quelques exemples en lien avec la pandémie. "Certains indicateurs très utilisés en santé publique, comme par exemple l'incidence d'infection au coronavirus, l'incidence des hospitalisations, ou la mortalité; ce sont des exemples que nous avons adaptés pour bien correspondre à la situation sanitaire actuelle", note Murielle Bochud, d'Unisanté.
Biologistes, médecins, infirmiers et infirmières, mais aussi des employés de l'administration cantonale ou fédérale, nombreuses sont les personnes qui souhaitent désormais s'impliquer davantage dans la santé publique. "Je pense que cette pandémie aura un impact durable sur l'intérêt de différents corps professionnels par rapport à la santé publique, étant donné l’impact majeur que cette crise sanitaire a eu, non seulement en Suisse, mais aussi dans le monde entier", conclut la professeur de l'Université de Lausanne.
Delphine Gianora, Feriel Mestiri