En Suisse, la transparence manque autour de l'oxyde d'éthylène, un pesticide pourtant interdit
Lait de soja, pesto, pâtes instantanées… Ces deux derniers mois plusieurs produits ont été retirés des rayons des supermarchés suisses. Ils contenaient de l'oxyde d'éthylène. Ce pesticide cancérigène est utilisé en Asie pour désinfecter les aliments avant de les exporter. Il est interdit en Suisse depuis 2011.
Le scandale a éclaté en Europe, il y a une année, lorsque des analyses ont montré que des dizaines des milliers de produits, souvent à base de sésame, contenaient des valeurs beaucoup trop élevées de ce pesticide.
Depuis, la France a retiré plus de 12'000 lots et la liste ne cesse de s'allonger. En Suisse en revanche, notre enquête montre que l'inventaire est beaucoup plus lacunaire.
>> Lire aussi : Mais que se passe-t-il avec tous ces produits au sésame retirés du marché?
Les clients suisses prévenus pour une vingtaine de produits
En consultant le site de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), on constate que, depuis une année, seule une vingtaine d'aliments problématiques sont listés et ont fait l'objet d'un rappel auprès des clients.
Soit très loin des 12'000 lots et des milliers de type de produits retirés en France. Crèmes glacées, biscottes, confiseries, chocolats ou laits végétaux y sont mis à l'index jour après jour.
De nombreuses grandes marques sont visées, dont certaines sont commercialisées en Suisse. Mais pourquoi cette différence? La commission européenne estime qu'aucun niveau d'exposition "sans danger" ne peut être défini.
Des produits retirés
En revanche, la Suisse considère qu'il n'y a pas de risque potentiel pour la santé en dessous de 0,05 mg/kg d'oxyde d'éthylène. Et pour ces lots, la législation suisse n'impose pas d'information au client.
La grande distribution est tout de même tenue de retirer la marchandise, même si la quantité de ce pesticide est très faible.
Quatre grands distributeurs du pays assurent avoir renforcé les contrôles depuis une année. "On fait examiner dans notre laboratoire les aliments de nos propres marques qui contiennent du sésame. Les fabricants des autres marques ont l'obligation de nous donner toutes les informations nécessaires. Nous sommes en contact étroit avec eux", explique la porte-parole de Coop, Mélanie Grueter.
Les doutes de la FRC
Coop annonce avoir procédé à 9 retraits qui n'ont pas nécessité d'information aux consommateurs. Cinq pour Migros. Aldi parle de quelques retraits mais refuse d'être plus précis. Quant à Lidl, l'entreprise affirme ne pas avoir dû retirer de produits sans mention publique.
Des chiffres faibles qui pourraient laisser penser que les contrôles de qualité en amont sont mieux fait ici qu'en France. Mais ces résultats ne rassurent pas pour autant la Fédération romande des consommateurs (FRC).
Car sans information publique sur ces aliments dans lesquels le pesticide est présent à toute petite dose, il est impossible pour le client de vérifier si les supermarchés ont bien enlevé la marchandise non conforme, suite à un signalement de la part d'un fabricant, voire des autorités sanitaires.
Des listes bientôt publiques?
Le magazine alémanique K-Tipp a découvert, le mois dernier, dans un supermarché Spar, des lots de glaces contaminées qui auraient dû être retirées. "Le consommateur qui se retrouve face à un lot contaminé ne pourra même pas refuser de l'acheter ou dénoncer le vendeur", estime Barbara Pfenniger, responsable alimentation à la FRC. Surtout que l'oxyde d'ethylène ne touche plus seulement le sésame, en Europe. On trouve également des thés, des épices, la graine de caroube et la gomme de guar.
La quantité de pesticides contenue est infime mais ces additifs sont présents dans des dizaines et des dizaines de types de produits aussi divers que des glaces, de la confiture, des yogourts, des laits végétaux, ou encore du pesto. Le scandale pourrait donc s'étendre.
Au nom de la transparence pour le consommateur, la FRC demande maintenant à la grande distribution de rendre publique la liste de tous les lots retirés des rayons et non plus seulement ceux où l'oxyde d'éthylène dépasse la valeur seuil, comme c'est le cas aujourd'hui. Un courrier est parti la semaine dernière . En cas de réponse insatisfaisante, la FRC pourrait intervenir au Parlement pour exiger que la Suisse s'aligne sur le mode de faire de l'Union européenne.
Céline Fontannaz