Au total, 1,8 million de citoyens se sont opposés à l'initiative "alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital". Le oui a récolté quelque 986'000 voix. La participation s'est élevée à un peu plus de 51%.
>> Retrouvez notre suivi de la journée : Le mariage pour tous largement accepté et l'initiative 99% écartée
Le système d'imposition en Suisse fonctionne. Une majorité de la population a compris qu'il est équilibré, a déclaré dimanche le ministre des finances Ueli Maurer à l'issue de la votation. Pour le conseiller fédéral, le système actuel est suffisant. Il faut le prendre comme un ensemble. Il risque de se dérégler si on lui enlève quelque chose.
La Suisse est notamment l'un des seuls pays occidentaux à taxer la fortune. De plus, pas moins de sept projets touchant à l'imposition sont dans le pipeline, a rappelé Ueli Maurer. Parmi ceux-ci, la hausse des déductions pour les primes d'assurance maladie, l'abolition de la pénalisation du mariage, ou encore la taxe sur les émissions qui sera probablement soumise au vote en février.
Jusqu'à 77% de non
Les taux de refus les plus forts s'observent à Nidwald (77,4%), Zoug (76,8%) et Schwyz (76,6%), cantons où la fiscalité est connue pour être avantageuse. Avec 52%, Bâle-Ville est en revanche le canton où l'opposition est la plus faible, suivi par le Jura avec 53,1% et Neuchâtel avec 55,1%.
Dans le reste de la Suisse romande, Genève rejette le texte à 58,2%, Fribourg à 60,8%, Vaud à 61,6% et le Valais à 70,1%. A noter que plusieurs grandes villes romandes ont accepté l'initiative, comme Lausanne, Renens, Vevey, La Chaux-de-Fonds, Fribourg ou Delémont.
Le canton de Berne refuse le texte à 59,3%. Mais la capitale dit "oui" tout comme Bienne ainsi que des communes du Jura bernois. En Suisse alémanique, Zurich balaie l'initiative à 64%, Lucerne à 68%, St-Gall à 69%, Argovie à 70,1% et les Grisons à 70,8%. Les Tessinois sont 65,5% à s'y opposer.
Peu de soutien
Ce verdict n'est pas une surprise. L'initiative n'a jamais décollé dans les sondages. Le Conseil fédéral s'y opposait ainsi que le Parlement où elle n'avait les faveurs que du PS et des Verts.
>> Lire aussi : Le oui au mariage pour tous recule, mais reste largement devant, selon le 2e sondage SSR
L'initiative voulait imposer à 150% les parts du revenu du capital - intérêts, dividendes, bénéfices réalisés sur les actions, gains en capital ou les loyers - supérieures à un certain montant. À partir de ce montant, chaque franc supplémentaire de revenu du capital aurait été taxé comme 1,50 franc.
L'initiative ne mentionnait pas de chiffre, mais les Jeunes socialistes proposaient un seuil de 100'000 francs pour éviter de toucher les petits épargnants. Ainsi, les 100'000 premiers francs de revenus du capital auraient été imposés à 100% et le reste une fois et demie.
Forte opposition
La mobilisation contre l'initiative était forte. Plusieurs comités économiques, menés par les représentants des organisations faîtières et des politiciens du centre et de la droite, ont mené la fronde.
Pour les opposants, ce projet aurait bouleversé l'équilibre actuel qui fait que plus les revenus sont élevés, plus les impôts le sont. Ils craignaient aussi qu'il ne fasse peser un lourd fardeau sur les entreprises notamment lors d’une succession. Pour eux, le modèle aurait aussi mis à mal les start-up et les gains tirés de la vente d'un bien immobilier auraient été surtaxés.
De plus, le texte était laconique et imprécis, et le fait qu'il ne mentionne pas de seuil rendait sa mise en oeuvre floue, selon ses adversaires.
ats/cab
Redistribution ou tromperie
"Une justice et une forme de redistribution par l'impôt restent ce que nous souhaitons. Il y a eu le jeu de la campagne, on peint le diable sur la muraille en disant que cela touchera les PME. On a plusieurs combats qui vont arriver sur la question du démantèlement progressif de l'imposition des entreprises. Cela peut être de nouveau un moment de mobilisation, où on verra qu'on a besoin d'argent pour assurer le service public, la santé", a réagi la conseillère aux Etats Lisa Mazzone (Verts/GE) sur la RTS.
"Le message sur la redistribution et la concentration des richesses en Suisse reste essentiel. Je remercie la Jeunesse socialiste pour cela."
"Les Suisses ne se sont pas laissés tromper"
"Nous nous réjouissons beaucoup de ce résultat très clair. C'était une attaque contre la classe moyenne en Suisse, contre les PME. En ce qui concerne la répartition des richesses, nous n'avons pas de problème en Suisse, la situation reste stable et positive. Il faut veiller à ce qu'elle le reste à l'avenir", a commenté Monika Rühl, présidente d'Economiesuisse.
Selon elle, "les Jeunes socialistes ont fait la rhétorique de la lutte des classes. C'est une rhétorique un peu hors du temps. Les Suisses ne se sont pas laissés tromper par ça."
Nouvelle initiative annoncée
L'initiative "99%" est la troisième initiative lancée par la Jeunesse socialiste ces dix dernières années. Toutes ont été rejetées par le peuple. L'initiative populaire "1:12 - Pour des salaires équitables" a été refusée en 2013 par 65% des voix et celle contre les spéculations sur les denrées alimentaires a été rejetée à 59,9% en 2016.
Les Jeunes socialistes ne comptent pas baisser les bras. Ils annoncent le lancement d'une nouvelle initiative pour limiter les grandes fortunes à 100 millions de francs et à utiliser tout l'argent qui dépasse pour contrer la crise climatique et sociale.