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"On ne peut pas déléguer le choix du don d'organe à la famille, c'est trop dur"

L'invitée de La Matinale - Anne-Céline Jost, en faveur d'un passage au système de consentement présumé du don d'organes (vidéo)
L'invitée de La Matinale - Anne-Céline Jost, en faveur d'un passage au système de consentement présumé du don d'organes (vidéo) / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 9 min. / le 27 septembre 2021
La jeune entrepreneuse Anne-Céline Jost a réussi là où le monde politique avait jusqu'ici échoué: son initiative va faire passer le don d'organe du principe du consentement explicite à celui du consentement présumé. Reste à trancher la question du choix de la famille.

Les personnes qui ne souhaitent pas faire don de leurs organes après leur mort devraient, à l'avenir, l'avoir déclaré explicitement de leur vivant. A l'instar du National, le Conseil des États a approuvé lundi dernier de passer du consentement explicite au consentement présumé. Autrement dit, il ne sera plus nécessaire d'avoir indiqué avant sa mort être favorable au don, ou porteur d'une carte de donneur, pour voir ses organes prélevés.

Les proches de la personne décédée devraient toutefois pouvoir refuser le don d'organes, propose le contre-projet validé par les deux Chambres. C'est donc le principe du consentement présumé dit "au sens large" qui devrait être adopté si le comité d'initiative retire son texte au profit du contre-projet et si aucun référendum n'est lancé. Si l'initiative est maintenue, le peuple votera.

>> Plus de détails dans notre article : Le principe du consentement présumé en matière de don d'organes adopté au Parlement

Retrait de l'initiative en discussion

Invitée dans La Matinale de la RTS lundi, l'initiatrice du texte Anne-Céline Jost n'a pas dévoilé la décision que le comité entendait adopter. "Pour le moment, on a fêté le fait que le contre-projet ait passé. C'est déjà un grand pas pour nous. De toute manière, quoi qu'il arrive aujourd'hui, c'est une réussite, parce qu'on a fait parler du don d'organe. Les gens ont pris position. Maintenant, on va se voir au sein du comité d'initiative pour prendre une décision", a-t-elle indiqué.

On m'a un petit peu refroidie en me disant que ce n'était pas un sujet facile à mener, que c'était plutôt un sujet tabou

Anne-Céline Jost, à l'origine de l'initiative pour faciliter le don d'organes en Suisse

A tout juste 40 ans, cette experte en finance et controlling n'en était pas à son premier défi, elle qui a fondé sa fiduciaire à 26 ans avant de remplir un mandat politique pour le PLR au Conseil communal de Montreux et de présider la Jeune chambre internationale (JCI) de Suisse romande. Elle répète toutefois volontiers que faire aboutir cette initiative a été une "très lourde" tâche.

Un miracle "avec du travail derrière"

"On m'a un petit peu refroidie en me disant que ce n'était pas un sujet facile à mener, que c'était plutôt un sujet tabou", témoigne Anne-Céline Jost. "J'ai été insultée dans la rue parce que les gens ne comprenaient pas que je puisse avancer sur ce sujet-là", confie-t-elle d'ailleurs, même si les réactions positives ont elles aussi été nombreuses.

J'ai été insultée dans la rue parce que les gens ne comprenaient pas que je puisse avancer sur ce sujet

Anne-Céline Jost

Mais le pire a peut-être été le défi logistique. Récolter 100'000 signatures en 18 mois a été "terrible", se souvient-elle. "On passait nos soirées dans un local de la Jeune chambre internationale à compter les signatures qui arrivaient, à les renvoyer aux communes, puis à recompter les voix validées", raconte Anne-Céline Jost. "On a travaillé d'arrache-pied, passé des heures et des heures". Le succès de l'initiative? "Je ne parlerais pas de miracle, ou alors de miracle avec du travail derrière!"

Amener la question au sein des familles

L'an dernier, 1450 personnes étaient dans l'attente d'un organe, 519 ont bénéficié d'une greffe et 72 sont décédées. Les campagnes de sensibilisation n'ayant pas suffi à faire diminuer significativement la liste d'attente, le passage au consentement présumé était-il la seule solution? "Oui, je pense. C'est surtout tout le tapage médiatique d'un acte citoyen qui a fait bouger les choses", estime l'auteure de l'initiative. "Et on était peut-être plus proches de la population que Swisstransplant, que l'OFSP".

Que ce soit l'initiative (consentement présumé au sens strict, c'est-à-dire sans tenir compte de l'avis de la famille) ou le contre-projet (consentement présumé au sens large) qui soit en définitive adopté, elle se félicite que le texte ait permis d'amener la question du don d'organes autour de la table. "Il faut parler. Il faut dire au moins à sa famille ce que l'on veut faire de son corps après. On ne peut pas lui déléguer ça. C'est trop dur, quand il nous arrive quelque chose, de lui demander de prendre cette décision", plaide Anne-Céline Jost.

Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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