Les théories du complot et les fausses nouvelles véhiculent les stéréotypes et les préjugés contre des communautés, alimentant le racisme. Grâce à Internet, ces phénomènes sont passés de la marge à la lumière et suscitent craintes et interrogations, analyse la CFR dans le nouveau numéro de son magazine, "Tangram", publié lundi.
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Théories racistes
L'historien Claus Oberhauser ouvre le dossier par un décryptage des théories du complot liées au racisme basé sur deux exemples: les Protocoles des sages de Sion, un document forgé de toutes pièces en Russie par la police du tsar au début du XXe siècle pour alimenter l'antisémitisme, inventant au passage un "complot juif mondial".
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Et plus récemment la théorie du grand remplacement, en vogue dans les cercles de l'ultra-droite. Elle affirme l'existence d'un "plan" des élites mondialistes pour "remplacer" les populations et la culture française et européennes par l'immigration, notamment africaine et maghrébine.
"Les théories du complot en vogue aujourd'hui ne tombent pas du ciel. Une longue période de maturation leur a été nécessaire avant de s'imposer dans le grand public. Plusieurs facteurs y contribuent, mais les crises sociales globales jouent là un rôle décisif", souligne l'historien.
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Education
Ces théories ou "faits alternatifs" sont largement amplifiés par les réseaux sociaux. "Les milieux complotistes forment un microcosme à part, avec leurs propres influenceurs, canaux vidéo, boutiques en ligne, festivals", explique dans "Tangram" Katharina Nocun, experte en numérique.
Un état de fait qui inquiète la présidente de la CFR, l'ancienne conseillère nationale et conseillère d'Etat genevoise Martine Brunschwig Graf. "Ces instruments mensongers peuvent servir de moteur aux attitudes et discours racistes et cibler les victimes les plus exposées", déplore-t-elle dans son éditorial.
Pour saisir le mal à la racine, il faut se concentrer sur l'éducation aux médias et à la culture numérique, recommande la CFR. Il s'agit également d'effectuer un travail de fond sur le décryptage et la déconstruction des thèses complotistes et des fausses nouvelles.
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ats/sjaq
Près d'une personne sur trois attirée par les complots en Suisse
Près d'une personne sur trois en Suisse serait attirée par les théories du complot. La pandémie de Covid-19 pourrait avoir entraîné une radicalisation de ces adeptes conspirationnistes, constate un expert.
En Suisse, 27% des Suissesses et des Suisses auraient des penchants pour les thèses conspirationnistes. C'est ce qui ressort d'une enquête représentative effectuée en mai et juin 2021 auprès de 3010 personnes par l'institut Link et publiée lundi dans le magazine "Tangram" de la Commission fédérale contre le racisme.
La pandémie de coronavirus ne semble pas avoir renforcé cette tendance. En 2018, une autre enquête était parvenue à un résultat assez proche. Par contre, des amateurs de théories du complot ont pu se radicaliser sous l'influence de la crise actuelle, explique dans "Tangram" Dirk Baier, professeur à la Haute école de sciences appliquées de Zurich.
Le niveau de formation et les régions
Selon l'enquête, la formation des personnes semble être un facteur de protection contre certaines théories, note le chercheur: seules 22,7% des personnes ayant un niveau de formation supérieure se disent attirés par les théories du complot. Ce taux monte à 41,8% pour les personnes ayant arrêté leur scolarité au niveau obligatoire.
On constate aussi des différences régionales. La Suisse italienne enregistre ainsi l'adhésion aux complots la plus élevée.
Les personnes interrogées qui perçoivent des allocations de chômage ou l'aide sociale sont beaucoup plus souvent d'accord avec les affirmations conspirationnistes que les autres. Et cette adhésion est un peu plus marquée dans les régions rurales que dans les villes, constate-t-on dans le dossier.